La politique m'intéresse mais je ne sais pas en parler. J'ai certes, comme on dit, une sensibilité ; c'est-à-dire que je me sens globalement proche d'une certaine frange d'un certain parti sans toutefois en épouser toutes les analyses, encore moins toutes les postures. Cette sensibilité évolue au fil du temps. Il me semble que, l'âge aidant, je suis de plus en plus sensible aux incivilités et à cette curieuse inaptitude, dont nous faisons tous preuve un jour ou l'autre, à partager équitablement l'espace public. Paradoxalement, j'ai un petit fonds (une lie) nationaliste que je pourrais qualifier de « chauvin » mais je respecte les droits des peuples à vivre leur culture de la manière la plus paisible possible tant que cela n'entre pas en contradiction avec les lois nationales, et cela où qu'ils se trouvent. Pour être plus clair, j'aime, en France, entendre parler wolof, basque, anglais, espagnol, occitan ou picard mais je n'admets pas l'excision des petites filles, le racket révolutionnaire, le grégarisme crétin ou ce curieux nationalisme rouge-brun qui se dissimule sous les oripeaux d'un régionalisme bon teint.
D'un autre côté, bien que partisan de la libre entreprise comme des libertés en général tant qu'elles sont exercées en conscience et sans porter atteinte à autrui, j'ai un penchant pour ce que j'oserai appeler une social-démocratie bien comprise. L'argent ne me dégoutte pas, j'essaye simplement d'y voir un moyen plutôt qu'une fin et je me fais fort de ne jamais juger quiconque à l'aune de ses revenus. En parlant d'argent, je suis tout à fait favorable à l'impôt et rien ne m'agace plus que l'hypocrisie de ceux qui regrettant le niveau des contributions directes et indirectes pratiquées en France et réclamant à grands cris une baisse drastique des impôts demandent dans le même temps une meilleur qualité des soins médicaux, des routes mieux entretenues, des cours de langues pour leurs enfants en maternelle et une baisse du prix des billets de trains. L'impôt est juste, j'en suis convaincu, et globalement bien employé.
Voilà qui fait de moi le portrait d'un brave petit démocrate bien-pensant. Conscient de correspondre ainsi à un archétype bobo qui fait de moi un presque caricature, j'ai pris soin de ne pas m'abonner à Télérama. C'eût été un peu trop, même à mon goût.
Le foot, en revanche m'intéresse peu. J'en comprends mal les subtilités et regarder l'ensemble d'un match à la télévision a toujours été au dessus de mes forces. Le seul contact régulier et attentif que j'avais avec ce sport était le blog d'Erwan Le Duc dont j'appréciais la culture, la liberté de ton, l'esprit singulier et la passion. Malheureusement, il semble qu'Erwan se soit lassé de ses billets quasi quotidiens et trouve peu d'intérêt à servir les mêmes commentaires sur un championnat national qui sombre dans l'ennui et un foot international qui manque cruellement de figures, tant les joueurs sont aujourd'hui devenus des marques, gérées précautionneusement par des managers fous de contrôle.
C'est pourquoi je n'ai rien vu de la finale de la Coupe de la Ligue ni de la banderole «Pédophiles, chômeurs, consanguins : bienvenue chez les Ch'tis» qui y fut déployée à cette occasion par quelques supporters parisiens, dont le caractère enjoué et la finesse d'esprit sont notoires. Je n'en ai rien vu et à vrai dire, je n'en ai pas grand-chose à foutre. Je trouve bien entendu cette « farce » absolument stupide et insultante mais qu'attendiez-vous que fissent cinq-mille fans de foot groupés dans un virage pour assister à un match dont ils se contrefoutent (car je vous le dis, les supporters encartés n'aiment pas le foot : ils aiment se retrouver entre eux et hurler. Quiconque a une fois dans sa vie assisté à un match au milieu de la foule des ultras massés dans un virage sait ce que je veux dire : il y a tant de drapeaux, de banderoles, de holas et de « danses » qu'on ne voit absolument rien de ce qui se passe sur le terrain) ?
Je n'ai commencé à m'intéresser à l'événement en voyant apparaître sur nos petits écrans le ban et l'arrière ban du petit monde politico-médiatique ; chacun, à droite comme à gauche, s'indignant à tours de bras de la vilenie de cette action et promettant mille tourments aux porteurs de l'élégant calicot rapidement assimilés à des tueurs en puissance, à des terroristes, à des enfants in vitro de Mesrine et Carlos (le maigre avec des grosses lunettes), à des nazis, la lie de l'humanité. A des..., à des... les mots me manquent.
J'ai par la suite eu l'occasion de lire deux ou trois articles sur la question, dont un de Mathieu Lindon qui s'amusait de l'émoi provoqué par « l'insulte » faite au ch'tis. J'aime bien les infos de seconde main et les analyses à froid. J'ai également su que cet émoi avait déclenché plusieurs enquêtes et secoué la magistrature qui, de concert avec une police surmotivée avait mis en place une traque au supporter crétin avec analyses ADN et perquisitions au siège des Boulogne Boys, auteurs supposés de cette délicate invective. Il faut remonter au vol du scooter du fils Sarkozy pour trouver un tel déploiement policier. Sauf que cette fois, bien entendu, l'heure est grave : on vient de découvrir que les supporters du PSG sont des cons.
Tout ce que cela m'inspire, c'est que j'eusse aimé voir tout ce beau monde politique et sportif, à plus forte raison celui qui est au pouvoir, s'indigner aussi fort devant les expulsions d'immigrés en situation irrégulières, devant les quotas, devant les charters, devant M. Hortefeux petit soldat obéissant et têtu, devant M. Sarkozy et son cynisme de parvenu, son inculture et sa rhétorique de garçon de café. J'eusse également apprécié que Madame Nathalie Kosciusko-Morizet démissionnât de son poste de potiche alibi, emmenant avec elle Madame Yade, démontrant ainsi que leurs convictions valaient plus cher que leur place. J'eusse aimé que la gauche cessât enfin ses disputailles de cour de récré et nous ponde enfin un programme couillu dans lequel il serait écrit noir sur blanc que l'immigration n'est pas un problème et que la libre circulation des biens et des personnes est l'un des droits inaliénables de l'humanité (oui, je sais, je suis d'une naïveté...). Et pour finir, j'aimerai que le papa de la petite Z., aux cheveux de jais qui partage la classe de mon fils, finît enfin de me demander pourquoi on lui demande des papiers quand il veut un emploi et d'avoir un emploi quand il veut des papiers. Je voudrais le croiser un jour dans une fourgonnette sur les flancs de laquelle son nom serait inscrit, me faire bonjour de la main par la fenêtre, et pas ce petit signe de tête discret et fuyant qu'il emploie dans la rue quand il amène ou vient chercher sa gosse. Mais tout ce que nous avons à lui proposer, c'est une France où les généralistes se défilent quand un malade CMU se présente à eux, une France qui croit que Jean-Pierre Pernaud est vraiment journaliste, une France qui veut « redonner sa valeur au travail » mais qui estime toujours payer trop cher ce qu'elle s'offre, une France qui regarde s'envoler les charters et s'offusque quand un groupe de cinquante connards déploie une banderole insultante, une France qui part en vacances en Tunisie et reste enfermée dans son village-club, une France qui élit un épicier à berger allemand qui se prend pour Napoléon, une France près de ses sous, une France où tout le monde à des droits mais où nul n'a de devoirs. C'est cette France que je vais laisser à mes gosses, cette France qui m'a faite, que j'aime et que je voudrais parfois gifler.
Bon, j'en ai fini avec mes stances, demain on parlera un peu de motos...