L’actualité récente m’a rappelé une fable peu connue dont l’auteur est incertain. Entre Esope et La Fontaine, les spécialistes hésitent, mais tous se retrouvent pour assurer que ce n’est qu’un brouillon. Ressortie du fond de ma bibliothèque, je vous en livre la teneur.
Un maquignon au pas lent près d’un pré passait.
Avisant une bête qui s’y prélassait
Il la hèle sans ambages et lui déclare ceci,
Hé bien vieux canasson, terminés les soucis
Après tes années de labours et de labeur.
L’équidé interpellé prend de la hauteur :
N’ai-je pas droit moi aussi à un peu de repos ?
Je n’apprécie guère la moquerie de vos propos.
Tout doux mon beau, je ne vous cherchais pas querelle
Mais plutôt arrangement pour une bien belle
Affaire, où tous deux retirerions bénéfices.
Intrigué le vieux bourrin songe à ses deux fils,
Poulains encore jeunots, dans le métier novices
Et dont l’avenir aux champs n’est guère prometteur.
Parle, maquignon sournois ! j’ai mon temps à cette heure.
Je ne te tairai point qu’il s’agit d’une embrouille,
Je t’achète ta vie, tu t’en mets plein les fouilles.
Vu ton état physique, tu ne peux espérer
Meilleure proposition lui déclare le madré.
Et que devrai-je faire contre ces beaux écus
Qui seront pris dans la bourse de pauvres cocus ?
Rien, si ce n’est d’avancer masqué et corné,
Paré en lasagnes ou moussakas certifiées.
Se la jouer gros bœuf
Au pays des neuneus.
Le cheval réfléchit et donna son accord.
Qu’aurait-il pu faire d’autre avec son pauvre corps ?
Cupidité engendre l’imagination
Et d’un joli tour de prestidigitation
Fait d’un vieux dada de trois sous, un bovidé
Acceptable au goût des pigeons non informés.