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L’imagination est un péché capital pour un journaliste d’investigation. Si on lui demande certes de raconter des histoires, et de préférence de bonnes histoires, on exige aussi qu’elles soient vraies, vérifiables, basées sur des informations en béton. Tom Valle a péché, et en grand. Dans cinquante-six articles publiés dans le journal new-yorkais où il travaillait, il a inventé tout ou partie des faits. La première fois qu’il s’est laissé aller à cette transgression des règles, il avait raté l’avion. L’entretien avec la famille d’un soldat mort en Afghanistan n’aurait pas lieu. Mais il l’écrirait quand même, avec talent, émotion, raconteur d’histoire jusqu’au bout, même s’il n’y aurait cette fois que du vraisemblable – et rien de vrai. L’article a été un succès, il a continué, comblant son rédacteur en chef jusqu’au moment où, parce que trop, c’est trop, et que personne n’est capable d’être toujours au bon endroit au bon moment, ni de sortir des scoops à jet continu, le soupçon a fait son nid. Démasqué, rejeté, paria de la profession, Tom Valle n’a dû qu’à son agent de probation de retrouver du travail. Au Littleton Journal, une publication locale dont le propriétaire, cousin de l’agent de probation, saisi d’une étrange compassion, a accepté de l’engager. Le temps de la célébrité oublié, Tom Valle s’occupe des accidents de la route et des centenaires. Ce jour-là entre dans ses compétences. Il se rend dans une maison de retraite – non, la maison de retraite, puisqu’il n’y en a pas deux – de Littleton pour le centenaire de Belinda Washington. Puis il est appelé sur les lieux d’un accident à la sortie de la ville : une voiture en feu, un cadavre calciné à l’intérieur, et en face un survivant assez secoué. Journée banale, normale. Deux événements sans aucun rapport entre eux. Sans aucun rapport non plus avec l’inondation qui a dévasté, en 1954, l’autre partie de la ville. Une rupture de barrage après des pluies abondantes, 892 morts, une catastrophe qui aurait pu être évitée, mais si ancienne que presque plus personne ne s’en souvient. Sur laquelle, cependant, Tom Valle aimerait écrire un article, cinquante ans après. Pourquoi pas ? C’est le genre de sujet qui convient au Littleton Journal.
Un peu de passé, deux événements du jour. Et aucun rapport entre eux, bien entendu, répétons-le. Sinon que James Siegel a mis en place une machinerie lourde dont les engrenages, une fois en mouvement, ne sont pas près de s’arrêter. Ils rassemblent et mêlent des données apparemment très éloignées les unes des autres. Où Tom Valle, retrouvant son intuition de journaliste d’investigation, voit se dessiner d’improbables convergences et finit par donner un sens à l’ensemble. C’est le dossier le plus brûlant de toute sa carrière, une bombe. Mais qui va le croire ? Et ne lui a-t-on pas mis les éléments entre les mains pour que son récit, au lieu de dévoiler une vérité cachée, désamorce la bombe ? C’est tout l’enjeu de Storyteller, un roman formidable.