Terrorisme : faut-il criminaliser les provocations publiques ?

Publié le 10 avril 2008 par Danielriot - Www.relatio-Europe.com

583 attaques terroristes recensées en Europe l’an dernier. Où commence l’incitation au terrrorisme ? Jusqu'où  aller au nom de la lutte contre le terrorisme ?


 Le directeur d’Europol est venu au Parlement avec des chiffres : en 2007, l’Europe a subit 583 attaques terroristes recensées -pour la plupart provenant de groupes terroristes séparatistes, en Espagne et en France. Quel est l’ampleur de la menace sur le sol européen ? A Bruxelles,  experts et députés se sont réunis pour en débattre. La question est d’autant plus importante  qu’un nouveau cadre juridique de lutte contre le terrorisme est en préparation. Au cœur de la controverse : la criminalisation de l’ « incitation au terrorisme ».

 
Etat des lieux de la menace terroriste en Europe

 Selon les chiffres recensés, 583 attaques terroristes ont été perpétrées en 2007 sur le sol européen : certaines ont échouées, d'autres ont été contrecarrées (dont quatre tentatives d’attentats islamistes), mais beaucoup ont été exécutées. Tel est le bilan établi par l’agence européenne de police Europol, dirigé par Max-Peter Ratzel.

La grande majorité des actes terroristes recensés, soit 517 d’entre eux, provient des groupes terroristes séparatistes en Espagne et en France. Pourtant, selon le directeur d’Europol, « le terrorisme islamique commence à prendre racine dans la population européenne ». Opinion confirmée par Gilles de Kerchove, le coordinateur anti-terrorisme de l’UE : « Pour les années à venir, Al-Quaeda restera une menace internationale ».

Le rôle d’internet dans la diffusion d'idéologies extrémistes

 
Une menace d’autant plus présente qu’internet fait office de camp d’entrainement virtuel pour les aspirants-terroristes, qui l’utilisent comme « tribune mondiale », a noté Roselyne Lefrançois, rapporteure sur le sujet (Parti Socialiste Européen).

Il est en effet facile d’y faire circuler une idéologie terroriste : 5000 sites internet contribuent actuellement à radicaliser la jeunesse européenne, a indiqué Gilles de Kerchove. Pour autant, où fixer la limite entre liberté d’expression et acte punissable d’incitation à la haine ? « Nous avons besoin d’un débat démocratique intense pour trouver l’équilibre entre sécurité et liberté », a conclut le coordinateur européen. Ce fut l’élément le plus controversé de la table ronde.

Criminaliser l’incitation au terrorisme ?

 Dans la proposition de la Commission, il est proposé de criminaliser trois nouveaux actes : le recrutement de terroristes, l’entrainement et la formation de terroristes et la provocation publique à commettre des actes terroristes. Or, comment définir exactement ce dernier acte, à savoir l’incitation au terrorisme ?

 « Il faut une formulation claire », a défendu la socialiste française Roselyne Lefrançois, « prévoir une clause de sauvegarde, et des dispositions garantissant le respect des droits fondamentaux. Or, ces ingrédients font défaut dans la recette de la Commission ».

 Pour illustrer l’enjeu de ce débat entre respect des libertés et sécurité, la britannique Sarah Ludford (Alliance des Démocrates et des Libéraux pour l'Europe) a fait référence aux protestations pro-Tibet qui ont accompagné à Londres le parcours de la flamme Olympique. Selon les journaux, la police britannique a ordonné aux manifestants de supprimer les drapeaux tibétains et T-shirts « Free Tibet », sous peine d’arrestation et sous couvert des lois anti-terroristes. Criminaliser les actes de soi-disant « provocation » risque facilement d’amener à la criminalisation de la liberté d’expression, s’est-elle inquiétée.

 En écho à ces préoccupations, le député espagnol Luis de Grandes Pascual (Parti Populaire Européen-Démocrates Européens) a estimé que la défense de la démocratie nécessitait une fermeté particulière -pour ne pas devenir faibles. Et ce, même s’il a reconnu que la démocratie était un « régime d’opinion publique ». Selon lui, le débat oppose donc artificiellement la lutte contre le terrorisme et la liberté d’expression.

 Le rapport de Roselyne Lefrançois intitulé « Lutte contre le terrorisme: prévention, provocation publique à commettre des infractions terroristes, recrutement et entraînement au terrorisme » sera adopté dans les prochains mois (source PE)

 Communiqué : "Criminaliser l’incitation au terrorisme menace-t-il les droits fondamentaux ?"
Documents disponibles lors de la table ronde
Proposition de la Commission européenne modifiant la décision-cadre relative à la lutte contre le terrorisme
Site d'Europol