Jean-Paul Baert
L’auteur est directeur général de la Fédération québécoise d’athlétisme.
À quelques mois du grand rendez-vous planétaire, la situation politique qui prévaut en Chine anime bien des débats et passions. Alors que la tension est palpable, plusieurs montent déjà aux barricades, brandissant bien haut le drapeau du boycott.
Les athlètes olympiques deviennent monnaie d’échange. Le pas est facile à franchir quand il est question de les sacrifier au nom de l’idéal politique. Peu importent toutes ces années de préparation. Peu importe l’objectif de toute une vie sportive. Si, en signe de solidarité tibétaine et du respect des droits et libertés, on titrait à la UNE «Le Canadien de Montréal boycotte les séries éliminatoires!», on peut déjà imaginer les levées de boucliers!
D’un autre côté, les différents gouvernements de la planète semblent «frileux» à l’idée d’un boycott. Depuis les Jeux olympiques de Berlin, en 1936, il y a longtemps que l’hôte des jeux n’avait pas autant «dérangé».
Formidable vitrine planétaire, la Chine attend «ses» Jeux olympiques depuis des années. Occasion exceptionnelle de redorer son image. Lui tirer le tapis sous les pieds serait prendre le risque de la mettre de mauvaise humeur. On a tant besoin d’elle. On lui vend des réacteurs nucléaires, des avions, des armes, de nouvelles technologies. Sans parler de l’implantation d’usines dont la main-d’œuvre est bon marché. On ne mord pas la main de celui
Les athlètes occidentaux dans tout ça? Que ce soit sur le plan sportif ou idéologique, ils ont un pouvoir médiatique extraordinaire que d’autres n’ont pas. Seule condition: être à Pékin! À l’écoute et à la vue de milliards de téléspectateurs, d’auditeurs, de lecteurs, ils auront le champ libre pour faire entendre leurs voix. Leur grande force? Difficile de prévoir qui, quand et d’où elle viendra. Faites-leur confiance, ils sont ingénieux.
Imaginons le scénario. Des milliards de téléspectateurs devant leur écran de télé. Remise des médailles du 100m sprint. Le vainqueur est sur le podium. On lui passe la médaille d’or autour cou. Il ouvre sa veste. Dessous, un t-shirt. Sur sa poitrine, l’inscription «Libérez le Tibet!»
Ça ne vous rappelle rien? Mexico 1968. Remise des médailles du 200m sprint. Sur le podium, deux noirs américains. Tommie Smith (or), John Carlos (bronze). Têtes baissées. Poings levés. Gantés de noir. Symbole de la lutte contre la ségrégation raciale aux États-Unis. L’image a fait le tour du monde. Plusieurs fois.
Boycott ou pas? À vous de juger…