Un drame sordide

Publié le 16 février 2013 par Malesherbes

Le Canard enchaîné du 13 février nous apprend que Cetelem avait prévu de faire paraître le 5 février dans une trentaine de quotidiens régionaux une page de publicité exaltant les mérites de ses crédits. Apprenant qu’une mère de famille de 22 ans venait de se suicider après avoir tué ses trois enfants et ce, quelques jours après le suicide de son mari, le responsable de cette campagne publicitaire s’est empressé de la stopper. Le patron de la régie a en catastrophe adressé aux journaux concernés un courriel expliquant qu’il importait d’éviter que cette publicité Cetelem ne voisine avec l’annonce de ce drame.

Jusqu’ici, une réaction plutôt honorable même si, plutôt que de s’employer à empêcher le rapprochement entre le nom d’une entreprise et la relation des drames que les agissements de certains de ses collaborateurs pourraient avoir imprudemment favorisés, il serait préférable que cette même entreprise forme ses mêmes collaborateurs à ne pas proposer des prêts à des prospects en situation de surendettement.

Ce qui m’a alerté en l’occurrence, c’est le texte de ce même courriel, publié par le Canard. Après avoir exposé les circonstances de ce drame, émettant l’hypothèse non démontrée qu’il puisse être lié à un problème de surendettement, l’auteur du courriel écrit : « Ce drame sordide va faire la une des titres de PQR demain. » On pourrait attendre des personnes évoluant dans le monde de la presse une meilleure connaissance de la langue. Au sens propre, sordide signifie sale, crasseux, pouilleux. Au sens figuré, il indique une attitude indigne, d’une bassesse extrême. C’est bien le dernier des qualificatifs que l’on puisse appliquer à un drame aussi terrible. Ce rédacteur maladroit poursuit un peu plus loin : « Pouvez-vous intervenir pour limiter les dégâts autant que faire se peut ? »

Ce qui désespère ce fils de pub, ce n’est pas que cinq personnes aient perdu la vie, c’est que cette catastrophe puisse nuire à Cetelem qui, bien entendu, a des pratiques commerciales totalement étrangères à des accidents aussi malencontreux.

C’est cela qui est sordide, pas le drame. Le sordide, c’est l’attitude de tous ceux qui sont toujours prêts à accorder plus d’importance au profit qu’à la vie humaine.