Les journalistes qui dénoncent des scandales, collusions et copinages en tous genres ont souvent du mal à dépasser le côté anecdotique de la chose. C'est ici le cas.
Raconter par exemple la carrière de Jean-Charles Naouri, née dans les cabinets socialistes et achevée (pas encore), fortune faite, à la tête d'un groupe commercial, ne démontre en rien que Naouri serait un incapable. A lire les quelques pages où il apparaît on a même tendance à le trouver assez doué. En revanche, relater en détail pourquoi à l'époque il a voulu libéraliser les marchés financiers, les obstacles rencontrés et les effets négatifs qui apparaissent aujourd'hui, ça c'était un sujet à soi seul.
Apparté : les obsédés du découplage banques de dépôts / banques d'affaires manquent souvent cruellement d'imagination. Avant les années 80, les banques françaises étaient spécialisées par fonction (prêt immobilier, consommation, entreprises, export etc). Avec le désencadrement du crédit, tout le monde peut tout financer, côté banques, et les agents non financiers peuvent se financer directement sur les marchés. Sans revenir strictement à ce modèle, on pourrait s'en inspirer. La Chine fonctionne toujours comme cela.
Le livre est donc une accumulation de récits d'opérations financières, de "coups", où pouvoir politique et intérêts privés se mélangent à plaisir. Sans grande profondeur d'analyse ni mise en perspective.
Est-il inutile pour autant ?
Il n'est pas mauvais que des journalistes aillent enquêter au delà de ce que les services de communication privés ou publics veulent bien raconter.
Ensuite, certaines affaires évoquées n'ont pas fait la une mais sont tout de même assez spectaculaires (les aventures de L'oréal en Russie par exemple. Même si les conséquences et implications politiques desdites aventures sont quasi nulles).
Enfin, il y a tout de même quelques anomalies monstrueuses qui mériteraient d'être corrigées. On évoque souvent le cumul des mandats politiques, qui certes n'est pas une bonne chose.
mais il y a probablement bien plus urgent à supprimer, c'est le cumul des mandats publics et privés. Déjà l'exercice de la profession d'avocat par un parlementaire en exercice tient du sabreux. Mais lire que le sénateur Marini, président de la commission des finances du Sénat, est membre de plusieurs conseils d'administration (une banque d'affaires, une grande enseigne de distribution) m'a fait frémir. Je ne savais pas cela possible ! A une moindre mesure, lire qu'une députée socialiste est médiateur pour le CETELEM conduit forcément à s'interroger sur son rôle possible si l'Assemblée décidait d'enfin limiter le crédit à la consommation...
Je n'ai aucun doute sur la capacité de ces personnalités - et d'autres sont citées - à pratiquer une stricte séparation entre leurs différentes casquettes, mais une interdiction stricte de cumul d'activités publiques électives, surtout parlementaires, et privées, permettrait d'éliminer tout soupçon.
Pour le coup, Bruxelles n'est pour rien dans ces mélanges peu ragoutants, et l'on peut souhaiter que quelqu'un s'empare de ces sujets, comme à l'époque Monterbourg et Peillon s'étaient emparés du statut des tribunaux de commerce (avec peu de succès, certes).