» Qu’est-ce que vous vouliez, vous ?
- Une corde, pour me pendre.
- C’est haut de plafond là où vous habitez ? »
Il y a quelques jours, j’ai eu l’occasion de voir le film d’animation Le Magasins des suicides. Le titre du roman m’avait beaucoup intriguée lors de sa parution en librairie.
Assurément, le dessin animé fait partie de cette nouvelle conception du film d’animation à ne pas mettre entre toutes les mains devant tous les yeux, en l’occurrence ceux des enfants (m’enfin, de là à l’interdire aux moins de 18 ans, comme en Italie….no comment ! ).
Comme j’ai trouvé le scénario parfois un peu creux (notamment à la fin du film), j’ai eu envie de lire le roman de Jean Teulé, pour voir s’il ne s’agissait que d’une question d’adaptation.
J’ai trouvé le récit beaucoup plus prenant, plus fin, plus intéressant que le dessin animé.
L’histoire se passe quelques siècles après notre époque. Le monde semble être dans une impasse : pollution, crise économique et désespoir s’abattent sur les populations. Lucrèce et Mishima Tuvache ont hérité d’une boutique dans la cité des Religions Oubliées, ouverte depuis 10 générations, au nom singulier : Le magasin des suicides. Il s’agit tout simplement d’un lieu consacré aux objets permettant de se suicider plus ou moins facilement, plus ou moins lentement, plus ou moins douloureusement ! Mais attention, les Tuvache sont des commerçants intègres, ils veulent « rendre service avec des produits de qualité » !
« Vous avez raté votre vie ? Avec nous, vous réussirez votre mort ! »
Mais, le couple, depuis qu’il a voulu tester un préservatif poreux destiné aux suicidaires désireux de mourir d’une MST, traverse une épreuve quasi insurmontable : ils ont donné naissance à Alan, un enfant heureux, qui sourit sans cesse, une véritable incarnation de l’Optimisme à toute épreuve !
Tandis que les candidats au suicide viennent chercher un remède définitif à leur mal-être, Alan sabote de l’intérieur la boutique, essayant peu à peu de contaminer la petite famille avec sa joie de vivre et son entrain.
Vous l’aurez compris, ce roman ne plaira pas à tout le monde. Clairement burlesque, puisqu’il évoque un sujet grave, parfois même tabou, sous l’angle de la farce, il nécessite une lecture au second degré et une bonne dose d’humour noir.
La dérision est de rigueur à toutes les pages : tandis que le père est mortifié de voir Alan sourire, sa femme raconte une belle histoire de suicide à ses deux aînés, pour qu’ils s’endorment plus facilement ! Les bonbons deviennent des mistrals perdants lorsqu’ils ne contiennent pas de poison, au grand dam des enfants !
J’ai trouvé ce roman vraiment intéressant, parfois vraiment drôle même s’il reste très sombre (notamment à la fin du texte, ce qu’évacue complètement le dessin animé). Bien évidemment, il ne s’agit absolument pas de faire l’apologie du suicide ni de le banaliser même si je peux comprendre que certains aient été blessés par le fait qu’on puisse parler si librement d’un acte grave.
» Alan est puni. Quand à l’école, on lui a demandé ce qu’étaient les suicidés, il a répondu les habitants de la Suisse. »
A conseiller aux amateurs d’humour noir !
Jean Teulé, Le Magasin des Suicides, Pocket