Oscar Pistorius est un des rares phénomènes totaux du sport, on se demande quelle volonté de fer lui a permis de se battre pour ne plus être un handisport obscur, et passer dans la lumière du sport de haut niveau. On imagine qu’il a en fait énormément souffert, que son aventure ne s’est pas faite sans laisser de profondes blessures. Il a pu prendre sur lui-même, se donner des moyens pour, né sans jambes, pouvoir dépasser l’humain ordinaire sur son propre terrain. C’est peut-être l’un des plus grands symboles du sport des dernières années, car certes, la gloire existe pour un athlète de devenir un Dieu du stade, mais il le doit d’abord à un constat naturel, il court plus vite que les autres, même s’il travaille beaucoup. Les autres athlètes ont exploité leur richesse naturelle. Oscar Pistorius a réussi à se construire totalement, à partir de rien, en reconstituant artificiellement ce qu’il n’avait pas. C’est peut-être dans cet artifice, cette lutte, peut-être soutenue par une psychologie en souffrance, qu’il faut rechercher les causes de sa chute. Ce qu’il a fait était bien au-delà de ce qu’ont réalisé tous les autres participants des jeux olympiques. Pour la première fois, il y a eu un homme semi-artificiel sur les pistes, quelqu’un parti de plus bas que les autres. Seule sa psychologie particulière lui a permis de réaliser l’impensable, de s’imposer pour pouvoir courir avec les autres.
On me dira que l’on trouve aussi ce profil chez d’autres êtres, mais je crois que la cause de sa chute est aussi ce qui l’a fait réussir, une capacité hors du commun à vouloir se dépasser, des relations violentes avec les autres, et puis de temps en temps, un esprit qui ne pouvait plus soutenir cette tension.
L’athlète lumineux n’est plus aujourd’hui que sa part d’ombre.