Par Annie Coppermann
06/02/2013
Quand Jean-Claude Brisseau, le réalisateur de « Noce Blanche », tombé depuis dans le piège d’un érotisme aussi obsessionnel que fatigant, a tourné, avec des bouts de chandelle, cette « Fille de nulle part », il n’était même pas sûr de pouvoir sortir le film en salles. Le sujet, linéaire (la rencontre d’un vieux solitaire, prof de maths en retraite, veuf depuis 29 ans, et d’une jolie SDF qu’il recueille, ensanglantée, dans son escalier, et leur cohabitation, d’abord méfiante, puis plus chaleureuse, mais toujours chaste), le décor, unique (le propre appartement du cinéaste), la mise en scène, minimaliste, et l’affiche, inexistante (c’est Brisseau lui-même qui incarne le veuf, et Virginie Legeay, son élève à la Femis, puis son assistante sur « Les Anges exterminateurs », son encombrante invitée) ne promettaient guère un avenir grandiose.
Et pourtant, cet étrange objet cinématographique, bavard, foutraque, avec son incursion dans le fantastique via l’apparition de fantômes au coin du couloir, a obtenu, cet été, le Grand Prix du Festival de Locarno. Une récompense assez stupéfiante, mais que l’on peut comprendre si l’on veut bien entrer dans la logorrhée à la fois pontifiante et émouvante d’un Brisseau au narcissisme revendiqué qui profite, ici, de sa liberté pour nous livrer ses considérations sur la vie, la solitude, la vieillesse, le monde et la stupidité des hommes avec une belle et parfois craquante, bien qu’arrogante, naïveté. En face de lui, sa jeune partenaire, très à l’aise entre provocation et manque d’affection, crève l’écran. Alors, si les objets filmiques non identifiés vous tentent…
le 12 août s/Canal blog
Saluons notre ami Jean-Claude Brisseau, dont La fille de nulle part
a reçu hier soir le Léopard d'or au festival de Locarno.