Didier Decoin, Avec vue sur la mer, 2005.
Et en plus, il est né le même jour que moi !
Certes, cela n'en fait pas pour autant, d'office, l'un de mes écrivains favoris. Surtout que ce que je viens de lire n'est pas un roman mais une sorte d'autobiographie immobilière. A lire par mauvais temps, surtout si l'on cherche une maison. D'autant plus qu'après avoir lu un livre qui, avec le recul, me semble de plus en plus inutile, celui-ci me réjouit les sens, comme on reconnaît le goût d'un chocolat artisanal après avoir ingurgité des quantités effroyables de chocolats de supermarché en boîtes familiales.
C'est l'histoire d'un homme, ou plutôt d'un enfant, qui est tombé amoureux d'un bout de terre, d'un bout du monde sauvage et plutôt inhospitalier : une maison de vacances tout près de la Hague, battue par les vents et rongée par le sel mais symbole d'une escapade estivale gravée dans la mémoire de l'adulte. Adulte qui, après tant d'années, s'est résigné à oublier ce refuge, cette illusion, surtout après la construction de l'usine de retraitement des déchets sur le site de la Hague. Et puis, un jour, comme toujours dans la vie, le hasard, qui n'existe pas, ramène Didier Decoin, scénarsite, à l'endroit de son coup de foudre enfantin. Avec sa femme, il tente de rechercher la maison de son enfance. En vain. Mais, la décision est prise : ils vont acheter une résidence secondaire ici. Incrédulité et incompréhension du côté de leurs amis et de leur famille : comment peut-on avoir l'idée de venir habiter là-haut, plus près de l'Angleterre que de la France, si loin de Paris, dans un lieu où les tempêtes sont légion, les coups de soleil une pure invention et les plages des étendues plus propices à la vente de parapluie que de parasols ?
Qu'importe, la magie opère, celle des landes fouettées par les embruns, celle de l'obstination amoureuse qui fait fi de tous les obstacles et place son entêtement à réaliser son projet au-dessus de tous les aléas matériels, celle d'une maison rabougrie dont l'âme dépasse immensément les frontières de ses quatre murs. Decoin nous fait voyager dans son histoire, dans ses paysages et nous berce de ses mots choisis, que l'on savoure en se lêchant les doigts de plaisir, comme on se régale d'un plateau de fruits de mer sur le port. Des mots si justement placés et enchaînés que certains passages sont de la pure poésie, à lire à voix haute.