Judo et tradition

Publié le 15 février 2013 par Metzjudo

A l'heure où les règles du judo en compétition viennent encore une fois de changer, nous soumettons quelques éléments à votre réflexion.

Il ne s'agit pas de prendre parti : dans les nouvelles règles, certains éléments sont positifs, d'autres le sont moins, seul l'avenir le dira. Il s'agit juste de remettre les faits en perspective et de relativiser les affirmations du style "quelle horreur, le judo n'est plus ce qu'il était".

Le premier élément que nous vous proposons est un fascicule "Initiation au Judo" paru en 1959. On y apprend que le temps des combats est de "3 à 20 minutes" qui ne sera "prolongé qu'exceptionnellement à la majorité des juges". Les seules trois décisions sont ippon, waza-ari (80 à 99% d'un ippon - sic) ou waza-ari-awazate-ippon. A comparer avec le judo de 2011.

Télécharger Initiation au Judo première partie
Télécharger Initiation au Judo deuxième partie

Le second élément est la traduction d'un texte de 2011 de Scott White, un américain adepte des arts martiaux.

La chose marrante à propos de n'importe quel art martial est la justification que tout ce qui n'est pas normalement compréhensible est évacué en utilisant le mot « tradition ».

- Le disciple: Pourquoi doit-on porter des pots de fleur sur la tête ?
- Le sensei : C'est la tradition pour cette école de porter des pots de fleur sur la tête.

Cela dit, c'est bien que chacun d'entre nous remette la tradition en question. Je me demande encore aujourd'hui pourquoi nous portons des maillots moulants pour faire de la lutte. Il y avait peut-être une raison pour laquelle c'était comme ça dans le passé et nous avons juste grandi depuis avec ce fait comme élément culturel.
Mais je m'égare.

Pour être complètement honnête, j'aime la tradition dans les arts martiaux. La question est : à partir de quel moment quelque chose devient traditionnel ? Soyons honnête, le gi, l'uniforme traditionnel de la plupart des arts martiaux n'est pas si vieux que ça.  Et en fait, beaucoup d'arts martiaux sont même plus jeunes que le gi. Tout ce long préambule pour aborder un sujet de discorde que les pratiquants des arts martiaux ont avec les règles de compétition du judo.

Peu importe ce que certains disent : le judo a toujours été -et espérons sera toujours- spécialisé dans le ne-waza, les techniques de projection.  Toutefois, quand des judokas ont commencé à participer à des compétitions, c'était contre d'autres écoles de jujitsu qui n'aimaient les nouveaux gamins qui débarquaient dans la cour de récré. Kano (le fondateur du judo) disait à propos de ces défis permanents entre les écoles et les styles « il fallait que le Kodokan s'impose sur l'ensemble du Japon et possède un état d'esprit pour être prêt à tout ». En 1886, lors du premier tournoi de haut niveau où ils avaient été défiés par le Totsuka-ha Yoshin-ryu jujitsu, certains des combats ont duré plus d'une heure ! A cette époque, toutes les projections et toutes les clés étaient autorisées. Le combat allait jusqu'à ce que tout soit terminé.

Bien entendu, ce type de combat n'était pas ce pourquoi Kano voulait œuvrer, ni d'ailleurs les règles utilisées dans les écoles de judo elle-même. Toutefois, ce n'est pas avant 1887 que Kano a interdit les clés de doigt et d'orteil en compétition ; ce qui signifie qu'elles étaient autorisées avant.  Les réflexions ont progressé jusqu'en 1916 où les clés en torsion de genou ont été interdites, ainsi que les soumissions par pression sur les côtes (apparemment, il y avait eu des problèmes avec ces prises).  Ils ont attendu encore 10 ans et en 1925, abandonné et interdit toutes les clés et soumissions sur le bas du corps.

Les choses se sont calmées pendant un moment et jusqu'en 1970, les combats pouvaient aller jusqu'à 20 minutes.  Alors que la plupart d'entre nous étaient heureux d'avoir des combats plus courts, ils ont introduit une pénalité pour  « judo passif » qui en pratique était une pénalité s'il n'y avait pas d'attaque chaque 15 secondes ou comme j'aime à l'appeler : « Prêt ou pas prêt, j'y vais » ! Ils ont aussi interdit kani basami (balayage en ciseaux à la volée) et bien que j'aime cette projection, je vois vraiment le danger à laisser les combattants l'utiliser. Ils ont également ajouté ou retirer d'autres points ou pénalités variés.

Finalement en 2010, ils ont enlevé tout ce qui implique d'attraper, de tirer ou de toucher tout ce qui est en-dessous de la ceinture (pensez à la lutte grecquo-romaine) à moins que cela fasse partie d'une combinaison, ce qui dans la vraie vie est difficile à ne pas faire.
Donc si nous disons « Nous faisons ceci parce que c'est la tradition », il faut juste se demander quelle tradition nous suivons.



15/02/2013


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