RÉSUMÉ DU LIVRE
Bouh est un jeune homme pas comme les autres, présentant sans doute une déficience intellectuelle. Il a l'interdiction de sortir de chez lui. Petit, il se faisait sans cesse insulter et violenter. Avec le temps, les agressions se sont faites plus rares, jusqu'au jour où le quartier apprend par la presse la disparition d'une jeune fille, Kelly Spanner. Bouh ne sort plus de chez lui. Son frère, Benny, s'occupe de lui, tant bien que mal, depuis le décès de leur mère.
Ils ont comme voisins deux enfants, un frère et une soeur. C'est les grandes vacances mais le grand frère ne doit pas quitter des yeux sa soeur depuis que leur père, inquiet de la disparition de Kelly Spanner, le lui a ordonné. Bouh, invisible et reclus dans sa maison, devient alors fascinant pour les enfants qui cherchent à l'approcher. Très vite, toutes sortes de rumeurs circulent autour de lui.
Mike Kenny, lors des différents entretiens avoue, confie qu'il avait écrit le rôle de Bouh à partir d'une rencontre avec un autiste souffrant du syndrome d'Asperger. Et de sa difficulté à faire de ce rôle une parole qu'on peut entendre, qui veut se faire entendre malgré les difficultés des uns à l'écouter et de l'autre à parler.
C'est une pièce pour enfants, mettant en scène des enfants. Pourtant, elle est jouée par des adultes. Cela n'en fait qu'ouvrir plus l'universalité du propos. Des adultes jouant des enfants permet de ne pas enfermer la pièce à la première peur de l'enfant qui est souvent le fruit de celle des parents.
Dans notre dossier de travail nous devions écrire une note d'intention, décrire et proposer une scénographie, commenter nos choix de lumières, de sons et soumettre une distribution des rôles.
" Bouh!, c'est l'histoire d'un mur, d'un mur que l'on dresse devant la peur. Les murs que l'on lève servent-ils seulement à nous protéger ? Bouh porte un nom qui fait peur, un surnom, un surnom qu'on lui a donné, imposé, ordonné. Bouh ! Fais-moi peur. Mais la peur vient-elle vraiment de là où l'on croit ? La pièce est une rumeur, une rumeur angoissante qui enferme les gens chez eux. Bouh est obligé de rester chez lui, dedans, observé par deux enfants, dehors, obligés de veiller l'un sur l'autre. Kelly Spanner, l'enfant disparue est partout et nulle part, elle est la rumeur. La rumeur que l'on entretient par des questions, des questions qui entourent Bouh. Dans cette forme de huis-clos, on découvre la force du silence, l'impossible communication et surtout la force de ce mur invisible qui sépare tacitement le normal du différent, le public et l'étrange. Les enfants regardent Bouh, cet animal inquiétant car différent, et cherchent à voir ce qui se passe dans sa cage. Ces enfants qui ne peuvent jouer sans la présence des adultes - présence absente - alors ils s'occupent. Bouh devient l'objet de fascination, la bête de foire. Jusqu'au jour où le mur tombe, où le silence est rompu, où seul subsiste la peur. La peur qui fait maintenant sortir les gens de chez eux, qui fait s'enfuir Bouh hors de chez lui, qui le fait percuter une voiture. Je veux montrer la psychose sociale dans Bouh !, je veux montrer le silence, la rumeur et la peur. La paranoïa qui empêchent les gens d'ouvrir la porte, d'ouvrir les yeux sur la différence, sur le bouc émissaire.
Cette note d'intention a été motivé par un choix scénographique très simple. J'envisageais de délimiter la pièce par un plexiglas géant au milieu de la scène. La transparence de ce mur qui peut être poussé comme une porte raconte un des phénomènes de la pièce, c'est à dire le voyeurisme. Les enfants veulent voir l'intérieur de la maison et Bouh veut voir ce qui se passe dehors. Et malgré la transparence des choses, le Garçon et la Fille se bornent à ne voir que ce qu'ils veulent bien regarder. Ils refusent de pousser la porte. Il y a aussi cette impression de cage vitrée qui se referme peu à peu sur Bouh propre à l'autisme et cette vitre invisible que les gens installent devant la différence qui n'est pas si imperméable que ce que l'on croit. A la fin de la pièce, le plexiglas s’effondre mais cette chute n’est pas sans conséquence dans l’espace comme dans l’intrigue. La table et les chaises seront renversées symbolisant une violation de domicile ; on a forcé la porte, l’intimité et le secret de Bouh et tout est brisé. La balançoire du parc des enfants peut être endommagée comme l’enfance de la Fille et du Garçon qui prennent conscience de leurs actes et passent de l’enfance au monde adulte. Il n’y a plus d’innocence.
Dans la mise en scène de Valérie Marinese il y avait l'accent porté sur l'enfance, sur les lacunes d'un discours qui peut accuser ou innocenter. Il y avait ce désir de sortir ou de rentrer. Le désir de voir et d'entendre. La musique avait une place privilégiée et servait de lien, d'union entre deux mondes qui ne se voient pas, ne s'entendent, ne se comprennent pas.La lecture de la pièce propose souvent une idée sombre des dialogues, une atmosphère pesante, ici on avait l'humour, l'enfant et le simple qui venait éclater les différentes bulles d'angoisses et de malaises qui gonflaient successivement. La scénographie bétonnée m'a rappelé le carcan des idées préconçues dans lesquelles les adultes et les parents inquiets se rassurent, se protègent.
Ces adultes absents de l'intrigue, Beau/Bouh ne cesse de répéter "qui s'occupe des enfants?". Ces adultes qui n'apparaissent qu'à la fin, quand tout est bizarre et qu'il faut rétablir l'ordre, rétablir les murs, quand on vient à la rencontre du différent.