Extrait :
« Docteur Madeleine se met à farfouiller sur l’étagère des horloges mécaniques. Elle en sort nombre de modèles différents. Des anguleuses à l’allure sévère, des rondelettes, des boisées, des mécaniques, prétentieuses jusqu’au bout des aiguilles. D’une oreille, elle écoute mon cœur défectueux, de l’autre les tic-tiac. Ses yeux se plissent, elle ne semble pas satisfaite. On dirait une de ces vieilles pénibles qui prennent un quart d’heure pour choisir une tomate au marché. Puis tout à coup, son regard s’éclaire. « Celle-ci ! » s’écrie-t-elle, en caressant du bout des doigts les engrenages d’une vieille horloge à coucou.
L’horloge doit mesurer environ quatre centimètres sur huit, elle est toute de bois sauf le mécanisme, le cadran et les aiguilles. La finition est assez rustique, « du solide », pense le docteur tout haut. […]
- Tu auras un bon cœur avec cette horloge ! Et ça ira très bien avec ta tête d’oiseau, dit Madeleine en s’adressant à moi.Ça ne me plaît pas trop cette histoire d’oiseau. En même temps elle essaie de me sauver la vie, je ne vais pas chipoter. »
On est souvent pris d’une folle envie d’évasion. Des rêves de voyages qui flottent dans notre esprit, un désir d’aventure qui nous démange, mais le résultat est malheureusement bien souvent le même, on reste coincé dans notre quotidien, à appliquer le fameux credo « métro-boulot-dodo ». Alors pour les rêveurs, les poètes, les aventuriers, les grands enfants, les moins grands enfants, et tous les autres, on vous livre une escapade de 18cm de hauteur et 10 de largeur.
La magie prend ses aises à Edimbourg, le 16 avril 1874, le jour le plus froid du monde. Jack naît, tout en haut de la colline d’Arthur’s Seat, avec un cœur gelé. Pour qu’il échappe à la mort, la sage-femme lui greffe un cœur mécanique, une horloge toute de bois et de métal. La litanie de son tic-tac va rythmer sa vie, le mettant en garde contre la fragilité de son cœur de substitution. L’enfant doit éviter les passions de l’amour, beaucoup trop violentes pour son horloge. Il va s’en dire qu’il succombe aux vices de ses sentiments, lorsque son regard croise celui d’une petite andalousienne myope. S’ensuit nombre de péripéties, de rencontres rocambolesques, de chansons fantaisistes, et de voyages au bout du monde.
On ne saurait dire si c’est une bouffée d’innocence ou un envoûtement féerique, mais toujours est-il que Mathias Malzieu nous transporte dans un autre univers. Pas tout à fait un conte pour enfant, pas vraiment un livre d’adulte, on s’installe bien confortablement sur cette ambiguïté pour découvrir cette « Mécanique du cœur ».
Au fil des lignes, des images toutes plus poétiques les unes que les autres envahissent notre esprit, et la sincérité désarmante de Jack résonne en nous comme une chanson enfantine. L’auteur peint un monde irréel et pourtant plein de bon sens et de vérités sur les affres de la vie. On se laisse volontiers envouter par ses personnages usés, abimés, et tousles évènements fantastiques mis en scène au travers d’une écriture percutante et d’habiles jeux de mots.
Et pour mieux plonger dans ce monde onirique, rien de mieux que de lire ce conte accompagné de l’album du même nom.