Vendredi soir, l’astéroïde 2012 DA14 passera à 27 700 km de la Terre, soit un dixième de la distance Terre-Lune. Il s’agit du plus gros objet passant aussi près de notre planète jamais anticipé, selon la Nasa. Mais pas de panique. "Il fait 44 mètres de diamètre, et on le surveille depuis un an. Il ne va pas nous heurter, c’est sûr" , assure le P r Anne Lemaître, de l’Université de Namur. Un astéroïde est un petit corps du système solaire, qui peut être constitué de roche, de métal, de glace Une partie des astéroïdes sont des géocroiseurs, c’est-à-dire que leur orbite est proche de l’orbite de la Terre, ce qui peut constituer un risque.
"Mais pour qu’il y ait une collision, il faut aussi que les deux corps soient au même instant à ce point de croisement." Il existe actuellement plusieurs milliers de géocroiseurs à proximité de la Terre. "Il y en a peu de très, très gros. Un des corps les plus dangereux de cette population est (99942) Apophis, qui approchera la Terre en 2029, sans nous atteindre." Mais il repassera à une proximité inquiétante en 2066. Du moins, selon ce que l’on sait actuellement sur son orbite. "On a toujours des incertitudes sur l’orbite d’un astéroïde, car on ne l’observe parfois que quelques nuits, et on n’obtient qu’une petite partie de son orbite. On essaie après de reconstituer toute l’orbite, et il reste donc une latitude. On peut obtenir par extrapolation plusieurs orbites possibles. Si l’une d’elles croise celle de la Terre, il y a un risque sérieux."
Signal d’alerte
Ces observations viennent surtout de programmes automatisés, des survols systématiques du ciel. Il s’agit de calculer la distance minimale entre l’orbite de l’astéroïde et celle de la Terre. Si la distance est petite, un signal d’alerte est émis, et l’objet est alors davantage observé. Selon ces calculs, notre visiteur de vendredi n’est pas dangereux. Pour le moment. Car quand un astéroïde fait une rencontre proche avec la Terre, son orbite est modifiée. Après son passage, sa trajectoire sera recalculée afin de déterminer si sa nouvelle orbite n’est pas dangereuse.
Les conséquences de la chute d’un astéroïde peuvent être catastrophiques. Les scientifiques réfléchissent à comment y échapper. "L’idée serait de le dévier, et ce, de différentes façons. En perturbant son orbite, en plaçant quelque chose de massif à côté, comme un super-satellite. Ou de le pousser, en envoyant un projectile. Il n’y aurait pas besoin de le détruire, car des fragments pourraient retomber sur Terre. Je ne pense pas que les techniques soient déjà au point, mais en 2060, elles pourraient l’être ! Si les agences spatiales travaillent ensemble, des solutions pourront être trouvées, surtout si l’on fait des prédictions entre 10 et 20 ans, voire 50 ans. " Pour le Pr Lemaître, il ne faut pas s’inquiéter, mais rester vigilant et continuer à financer la recherche. Sans les observations, impossible de mettre en place des "contre-offensives".
Les cinq scénarios possibles
1) Destruction d'une ville
Entre 10 et 100 m. Pour un astéroïde oscillant entre 10 et 100 m de diamètre, la fréquence d’impact, selon les statistiques, est d’une fois par siècle. La conséquence d’une chute sur la Terre ? La destruction d’une ville, ou un raz-de-marée. Exemple connu : la forêt de Tungunska, en Sibérie, en 1908. "L’impacteur" avait un diamètre estimé entre 45 et 70 mètres. L’énergie dégagée par l’explosion était équivalente à plusieurs fois la bombe d’Hiroshima, note Anne Lemaître. "Dans un tel cas, l’endroit est gravement touché. L’astéroïde crée un cratère. Le sol reçoit une énorme onde de choc, qui se propage beaucoup plus loin, et le souffle de l’explosion rase tout. En Sibérie, tous les arbres ont été couchés sur des dizaines de kilomètres à la ronde."L’énergie cinétique (la masse fois la vitesse au carré) est énorme; ce sont des centaines de milliers de tonnes qui sont lancées à très grande vitesse (plusieurs dizaines de km par seconde).
2) Disparition de toute vie100-200 km. Un astéroïde d’une taille de 100 à 200 km de diamètre percutant la Terre entraînerait la vaporisation des océans, et la disparition de toute forme de vie. La fréquence d’un tel impact est évaluée à une fois par milliard d’années. "Mais ces astéroïdes-là, au-delà de 300 km, qui sont plutôt situés entre Mars et Jupiter, on les connaît tous et il n’y a aucun risque en ce moment. Et ce n’est pas parce que cela ne s’est pas passé durant le dernier milliard d’années que cela va se passer demain", note le P r Lemaître. "Il n’y a pas de régularité dans les impacts." Il s’agit d’une estimation de risques, basée sur des statistiques, sur un calcul de probabilité, réalisé en tenant compte de l’histoire du système solaire, du nombre de petits corps, de leurs orbites Les bombardements ont été bien plus fréquents pendant le premier milliard d’années de l’histoire de la Terre, et la Lune serait d’ailleurs née d’un choc entre la Terre et un astéroïde. Un morceau de la Terre se serait éloigné, puis se serait satellisé.
3) Pays rayé de la carteEntre 100 m et 1 km. Si la taille de l’astéroïde est comprise entre 100 m et 1 km de diamètre, la fréquence d’impact, selon les calculs de probabilité, est d’une fois tous les 5 000 à 30 000 ans. La conséquence : cinq millions à cent millions de morts, en tenant compte de la zone touchée et de la population moyenne. Pour le Pr Lemaître,"les conséquences sont similaires à la catégorie 2, mais sur une zone beaucoup plus importante. Si un tel astéroïde tombait sur Bruxelles, la Belgique entière pourrait être rayée de la carte, avec des conséquences aussi sur les autres pays. Si cela tombait sur une ville comme New York, les dégâts en termes de population pourraient être très lourds." Mais cet impact pourrait provoquer des conséquences en cascade sur la vie terrestre : du volcanisme, des mouvements de plaques, des incendies géants, mais aussi la destruction d’une économie ou d’une production locale, sans oublier le risque nucléaire si une centrale était touchée.
4) Toit crevéMoins de 10 mètres. Des astéroïdes d’une taille inférieure à 10 mètres de diamètre, il en passe environ 200 fois par an près de la Terre et certains la percutent. Mais la plupart se désintègrent dans l’atmosphère avant de toucher la Terre. Cependant, "si l’objet est plus massif et plus dense, il se désagrège moins facilement, il perd quelques petits morceaux en chemin, mais il reste en un seul bloc jusqu’au sol", note la mathématicienne Anne Lemaître, spécialiste des astéroïdes et professeur au centre des systèmes complexes de l’Université de Namur. "Et c’est ainsi que des cailloux, les météorites, arrivent sur la Terre." Ce n’est pas dangereux, mais un tel projectile peut tomber sur une maison, crever un toit, et avec un peu de malchance, blesser quelqu’un.
5) Un hiver né de la poussièreAu-delà de 5 km. Aux astéroïdes de plus de 5 km de diamètre est associée une fréquence d’impact d’une fois par centaine de millions d’années. Une telle chute sur la Terre aurait pour conséquence "l’hiver d’impact". "L’impact serait tellement violent et dégagerait une telle poussière que la Terre serait privée d’une partie du rayonnement solaire. La température pourrait baisser d’une dizaine de degrés et cette poussière pourrait rester en suspension durant des années, avec des conséquences désastreuses sur la végétation. L’absence de nourriture peut déboucher sur la disparition rapide d’une espèce", note le Pr Lemaître. C’est sans doute ce qui a provoqué la fin des dinosaures. "Si cela arrivait, on pourrait peut-être sauver une partie de la population, mais le bouleversement serait énorme. Notre mode de vie serait bouleversé par un seul impact." Pas trop d’inquiétude : "Au-delà du kilomètre, on connaît presque tous les astéroïdes. Un nouvel astéroïde de plus de 5 km de diamètre, ce serait une grosse surprise. La preuve : on a prévu l’arrivée de l’astéroïde de vendredi et il fait 44 mètres !"