Afghanistan, Syrie, Mali : partout les mêmes bombardements.

Publié le 14 février 2013 par Feuilly

« Dix civils, en grande partie des femmes et des enfants, ont été tués dans la nuit de mardi à mercredi lors d'un bombardement de l'Otan dans la province du Kunar, un bastion taliban de l'est de l'Afghanistan » peut-on lire dans la presse. Concrètement, cela signifie que rien ne distingue les actions de l’Otan (qui s’était aussi distingué en Libye par ses bombardements intensifs de certaines villes)de celles menées par l’aviation syrienne de Bachar el Assad.Dans les deux cas, le nombre de victimes civiles innocentes est élevé.

La différence, cependant, c’est que l’armée syrienne tente comme elle peut de stopper l’avancée de djihadistes étrangers qui se sont infiltrés sur son territoire et qui déstabilisent le pays. On sait que ces djihadistes n’hésitent pas à tuer,torturer et violer tous ceux qui ne partagent pas leurs convictions religieuses rétrogrades. Que peut donc faire l’armée syrienne ? Si elle laisse ces bandes de rebelles financés et armés par l’Arabie et la Qatar massacrer sa population, on lui reprochera son absence de réaction et on dira qu’elle n’est plus maître du pays. Si elle s’emploie à les attaquer, on lui reproche non seulement les victimes civiles collatérales, mais même la mort des djihadistes. En effet, ceux-ci n’étant pas des soldats au sens strict, ils sont généralement comptés parmi les victimes civiles.

Il y a donc deux poids deux mesures. Il y a les bons bombardements de l’Otan qui luttent contre des terroristes (en fait, généralement des hommes qui s’opposent àl’invasion de leur pays et qu’on avait par ailleurs armés autrefois contre les Russes) et les mauvais bombardements d’Assad, lequel s’en prendrait à de braves opposants épris de démocratie.

Passons. Le parti-pris de notre presse est tellement scandaleux que cela ne vaut même plus la peine de relever ses aberrations.

Par contre, j’entends tous les jours que l’armée française, qui combat aussi de méchants terroristes au Mali (en partie les mêmes qui étaient soutenus, fiancés et armés par Sarkozy quand ils combattaient Kadhafi pour le plus grand bonheur du groupe pétrolier Total, qui a maintenant la mainmise sur les puits de pétrole libyens) j’entends dire, donc, que l’armée française n’arrête pas de bombarder les quartiers où se sont retranchés les rebelles. Ce qui m‘étonne grandement, c’est l’habileté de nos pilotes, qui, si on en croit la presse toujours, parviennent à tuer les djihadistes (lesquels se sont honteusement dissimulés parmi la population) sans faire de victimes civiles. Curieux. Car avouez que s’il y avait jamais des victimes innocentes, on pourrait reprocher à l’armée française ce que Fabius et Hollande reprochent à Bachar el Assad. Sauf qu’il est chez lui en Syrie et que nous ne sommes pas chez nous au Mali.

Le problème, c’est qu’une certaine presse indépendante commence à donner des exemples de familles décimées par notre aviation. C’est embêtant.

http://www.youtube.com/watch?v=pg4bXBJOHlM

Ce qui est embêtant aussi, c’est que les djihadistes, qui avaient battu en retraite les premiers jours, semblent avoir décidé de passer à la contre-offensive en appliquant la bonne vielle tactique de la guérilla. Cette tactique, on la connaît bien, cela fait des années qu’on essaie de l’éradiquer en Afghanistan et on n’y est jamais arrivé. La preuve, on finit par quitter ce pays en claironnant bien haut notre victoire pour mieux cacher notre défaite. Si les djihadistes au Mali commencent eux aussi avec des attentats suicides et s’ils commencent à miner le terrain, nous sommes partis pour des années de présence militaire et forcément il y aura des victimes dans nos forces armées. Ce n’est pourtant pas ce qu’on nous avait promis lorsqu’nous sommes partis en guerre. On nous avait promis que cela serait court. Il est vrai que le lendemain on nous a dit que cela durerait le temps qu’il faudrait. Bref, cela signifie que cela peut durer encore longtemps.

Le problème c’est qu’une armée qui combat à l’étranger, cela coûte cher. En cette période de restriction budgétaire où on demande à tous les citoyens de se serrer la ceinture, c’est tout de même un peu dérangeant. Je n’ai personnellement aucune sympathie pour ces djihadistes fous de Dieu, mais au lieu d’aller les combattre au Mali, n’aurait-il pas été plus simple de ne pas les financer autrefois en Libye ? Et ne pourrait-on pas demander à nos amis d’Arabie et du Qatar (pays où la condition de la femme mériterait quand même qu’on pose quelques questions aux dirigeants de ces pays) d’arrêter de financer ces Salafistes qui sont en train de semer la terreur dans tout le monde arabe ?

Non, on ne dira rien, car les actions de ces Salafistes nous arrangent bien. Nous qui nous félicitons de la laïcité de nos institutions, nous sommes en train de faire tomber les uns après les autres les régimes arabes laïcs. La Libye est sous la coupe des anciens d’Al Quaïda et on y remet la Charia au goût du jour, l’Egypte est au bord de la guerre civile,la Tunisie est en proie à une grave crise politique qui risque de se terminer par la prise du pouvoir par des religieux intégristes. Quant à la Syrie, elle pourrait bien éclater demain en une série de petits états confessionnels (un pour les druzes, un pour les Chrétiens, un pour les Alaouites, un pour les Sunnites, sans parler des Kurdes et des Maronites).

Bref, les pays arabes seront exsangues, divisés, en proie à un fanatisme religieux d’un autre âge, et des attentats suicides s’y produiront tous les jours (voyez l’Irak « pacifié » par les troupes américaines). L’avantage, cependant, c’est que nous n’aurons même pas eu à intervenir, puisque les Salafistes auront fait le travail à notre place. Le principal, c’est que les nouveaux dirigeants acceptent d’emprunter auprès du FMI (ce qu’ont déjà fait les Frères musulmans égyptiens). En attendant, le grand gagnant, c’est Israël, qui ne verra plus de nations arabes militairement puissantes à ses frontières. De plus, une fois le fameux printemps arabe terminé, tous ces états seront avant tout confessionnels. On ne sera plus syrien, on sera d’abord Sunnite, comme on ne sera plus tunisien, mais Salafiste de tendance wahhabiste. Voilà qui devrait réjouir les conservateurs israéliens, qui pourront voir dans la religion une justification de leur état. Malraux n’avait-il pas dit que le XXI° siècle serait religieux om ne serait pas ?

Remarque : en fait, cette phrase de Malraux n’est pas certaine. Il aurait plutôt dit « le XXI° siècle sera mystique ou ne sera pas », ce qui n’est pas tout à fait la même chose. Comme il est possible aussi qu’il n’ait rien dit du tout car personne n’a jamais retrouvé de trace écrite de cette fameuse phrase, l’intéressé lui-même ayant nié l’avoir prononcée. Mais bon, cela sonnait bien à la fin de mon article et après tout on n’est plus à un mensonge près…