Zero Dark Thirty

Par Achaqueligne

« Zero dark thirty » est un film qui a suscité de vives réactions, parfois arbitraires, parfois passionnées, selon le côté d’où l’on se place.

Malgré les réserves de certains, ce film mérite largement que l’on s’y attarde vu le sujet qu’il traite, les problématiques évoquées et les choix scénaristiques de l’auteur.

Dès la première scène du film, le ton est donné ; 9/11 est évoqué non pas avec des images d’archive ou des images de familles de victimes, mais avec des enregistrements sonores d’appels de détresse effectués depuis les tours en feu. Là, on comprend qu’on ne va pas voir un tire-larme dont le but est d’attirer la compassion du spectateur sur le sort des victimes. On est là pour voir le récit de la traque de « Ben Laden » qui s’est étendue sur dix années, depuis l’attaque du World Trade Center en 2001 jusqu’à la mort de Ben Laden en 2012.

L’assaut final sur la maison où Ben Laden s’était caché à Abbottabad au Pakistan

                   

Le directeur de la CIA, « Michael Morell », reproche au film, entre autres, le fait de prendre trop de liberté avec les faits réels et d’attribuer la réussite de cette traque à quelques personnes, alors que les acteurs de cette mission se comptent par centaines. Notons que le film raconte les faits à travers les yeux d’un personnage qui existe vraiment mais dont l’identité est restée secrète. On lui a donné le nom de « Maya », un agent de la CIA obstiné rappelant le personnage de « Carrie Mathison » dans « Homeland ».

Faut-il rappeler, qu’un film reste un film et n’est en aucun cas un documentaire, et que par conséquent il est impératif  de construire le récit autour de personnages palpables et reconnaissables. Et comme l’a dit la réalisatrice du film « Kathryn Bigelow », le film est fidèle aux faits autant qu’un film peut l’être.

Le but n’est clairement pas de glorifier les meneurs de l’opération. Il n’y a pas d’effusions de joie, pas de patriotisme exacerbé. Les doutes et les erreurs font partie du jeu tout au long de l’enquête. L’agent est constamment en proie à ses propres erreurs de jugement et à ses remords. En effet, l’un des personnages se trouve confronté à une crise de conscience suite aux méthodes utilisées lors des séances d’interrogatoire des captifs djihadistes, la torture faisant partie intégrante de l’enquête et n’est à aucun moment du film sujet à controverse. Tout le monde est au courant des méthodes utilisées. La torture est tolérée par les agents et a la bénédiction de leurs supérieurs. D’ailleurs, les scènes d’interrogatoire occupent une bonne partie du début du film. C’est cela qui a suscité le plus de réactions. En effet, le film a été accusé de faire l’apologie de la torture ce qui semble relever de l’hypocrisie, car aujourd’hui, personne n’ignore le sort réservé aux djihadistes capturés (affaire d’Abou Ghraib par exemple). Les scènes de torture dans le film même si elles sont difficiles à regarder, semblent avoir subi une cure d’adoucissement et ne montrent qu’une partie de l’atrocité des conditions de détention et d’interrogation des prisonniers.

Kathryn Bigelow sur le tournage (à droite) accompagnée de deux de ses acteurs

Sur un autre plan, le réalisme du scénario est inégal et le souci du détail n’a été rigoureux que dans une partie de l’histoire. En effet, le soin qui a été consacré à la reconstitution exacte de la maison où « Ben Laden » s’était caché frôle l’obsession. Par contre, tout ce qui concerne la vie des pakistanais, à savoir, leur manière de se vêtir et l’environnement dans lequel ils évoluent a fait l’objet de vives critiques accusant le film d’être truffé de clichés. L’exemple le plus flagrant est sans doute celui où des pakistanais se mettent, comme par magie, à parler l’arabe. Et même si certains films américains sont présentés comme étant très réalistes et qu’ils poussent le degré de réalisme à son paroxysme, le respect des langues étrangères semble toujours leur faire défaut. En général, dans les films américains, tous les dialectes se valent.

Jessica Chastain nominée au oscar 2013 pour son rôle de Maya

« Zero Dark Thirty » est un film à la réalisation soignée servi par des acteurs remarquables (« Jessica Chastain » est nommée pour l’oscar de la meilleure actrice pour le rôle de « Maya »). C’est un film qui ne semble pas vouloir présenter une thèse arrêtée sur le terrorisme ou les méthodes d’investigations. Il raconte l’enquête menée par la CIA qui s’est soldée par la mort de « Ben Laden », et donc, il raconte des faits récents. On est alors en droit de se poser la question suivante : a-t-on aujourd’hui assez de recul pour en parler objectivement ?

Nominations aux oscars 2013 :

- Oscar du Meilleur film : Kathryn Bigelow, Mark Boal, Megan Ellison

- Oscar de la Meilleure actrice : Jessica Chastain

- Oscar du Meilleur scénario original : Mark Boal

- Oscar du Meilleur montage : Dylan Tichenor, William Goldenberg

- Oscar du Meilleur montage sonore