Hostiles aux rythmes scolaires actuels sur le plan des principes, les instituteurs ne veulent pas, en pratique, qu'on les change tant ils structurent leur vie et contribuent à l'articulation de la vie privée et de la vie professionnelle. On avait observé des phénomènes comparables lorsque, négociant la réduction du temps de travail, on cherchait à supprimer les horaires flexibles pour assurer une meilleure coordination d'équipes aux journées plus courtes. Ce n'est pas du corporatisme, comme on l'a dit, c'est, plus simplement, la défense des emplois du temps et compromis que chacun a construits. Ces grèves peuvent réunir beaucoup de monde, il y a peu de chance qu'elles dégénèrent. On ne met pas le feu à des pneus pour quelques heures de travail le mercredi matin.
Il en va tout autrement des grèves ouvrières sur les sites menacés de fermeture qui paraissent, si l'on en juge par les images que montre la télévision, très "viriles". Risque-t-on de se retrouver dans des situations comparables à celles de 1979 avec des affrontements violents avec les forces de l'ordre (comme ceux d'avril 79 auxquels fait référence cette couverture de Paris-Match)?
Localement, c'est très possible, je dirais même probable, ce qui demandera beaucoup de doigté de la part d'un gouvernement de gauche. Est-ce que cela "monter" jusqu'à Paris, comme ce fut le cas en 1979? ou comme on l'a observé ces derniers mois en Grèce et en Espagne ?
On a de bonnes raisons d'en douter : les organisations syndicales n'ont plus la même force, les salariés concernés dispersés, divisés (comme chez Goodyear) et le Front de Gauche et les mouvements d'extrême-gauche qui pourraient être tentés de jeter de l'huile sur le feu n'ont pas la puissance du PC, de la LCR et des maoïstes d'alors. Reste que les mouvements sociaux sont toujours imprévisibles, si imprévisibles que le gouvernement gagnerait à suivre cela de très près et à travailler à une gestion des forces de l'ordre qui maintiennent celui-ci sans ajouter au désordre ambiant.