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Au Tarmac, deux spectacles "coups de poing"...

Publié le 13 février 2013 par Fousdetheatre.com @FousdeTheatre

Une pièce étonnante d'abord, sur le plan de l'écriture et de la construction, qui vous entraînera  du glamour artificiel  des magazines people à la noirceur d'un fait divers sordide dans le but de dénoncer une société de surconsommation passive se vautrant dans le voyeurisme du rêve comme dans celui de l'abomination et qui ne vit que par procuration. De l'intimité déballée, risible, grotesque et indécente de la chambre à coucher de Céline Dion (enceinte) à celle, effroyable, insoutenable, d'une jeune femme ayant subi les pires sévices depuis sa naissance (que l'on s'abstiendra de décrire ici). Deux histoires dont l'existence de Caro, caissière de supermarché, est profondément imprégnée. Dans un état de "Félicité" totale, cette ménagère lambda devient alors la narratrice, le "liant" et l'actrice d'un monde en vrac .

Olivier Choinière, auteur québécois, mèle sans ménagement, avec force, adresse et fluidité destins, genres et climats aux antipodes les uns des autres, secouant sérieusement le spectateur qui ne sort pas indemne de la salle. Car derrière le rire, le malaise n'est jamais loin. Car le malaise fait souvent place à l'absurde, l'absurde à l'innommable, l'innommable au poétique, le poétique au pathétique, le pathétique au cocasse... 

L'exceptionnelle Anne Benoît (Caro), comédienne superbement brute et puissante, conduit ce récit saisissant et parfois destabilisant aux côtés de trois acteurs irréprochables campant sur la même ligne les collègues de notre hôtesse de caisse, Crystal Shepherd-Cross, Rodolphe Congé et Jean-Paul Dias. Tous quatre se sortent remarquablement d'une partition difficile. Sans aucun doute grâce à Frédéric Maragnani, metteur en scène. Bravo.

A la même heure, dans la petite salle du Tarmac, "L'humanité Tout Ça Tout Ça" du marocain Mustapha KharmoudiSeule en scène, Caroline Stella incarne une fillette venue de l'est, confrontée dans son pays d'origine à la misère, à la guerre, à la mort, arrivée clandestinement en France avec sa mère cachée dans le coffre de la voiture d'un passeur. Elle raconte l'horreur là bas, l'enfer ici, contrainte de mendier peids nus en exhibant sa jambe cassée, ses peurs, ses cauchemars, mais aussi ses rêves de gosse. 

Afin de coller au plus près du langage enfantin, Mustapha Kharmoudi a restreint le vocabulaire forcément maladroit et approximatif de ce monologue bouleversant (moins de 500 mots utilisés). S'attachant à dépeindre avec justesse des situations bien réelles, édifiantes, à travers les pensées d'une gamine imaginaire, il produit une poésie qui ne tombe jamais dans le misérabilisme facile ou le discours politique.

Le texte est dur, entêtant, étourdissant, musical. L'actrice est remarquable, à fleur de peau. La mise en scène de Bernard Magnier d'une surprenante douceur, la scénographie apaisante, contrastant violemment et efficacement avec le propos. Poignant et envoûtant.

Ces deux spectacles sont à voir.
 
 
Jusqu'au 2 mars.

Photos : Eric Legrand


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