Hier, il aurait fêté ses 156 ans. Je voulais ainsi l’accompagner un instant dans son « vieux Paris » pour arpenter en images des lieux disparus, oubliés, ou inscrits désormais dans notre quotidien.
Entreprise artistique documentaire et photographies topographiques, nous suivrons Eugène Atget dans le Paris qu’il immortalise avant que les choses ne disparaissent. Puis nous partirons en balade à l’aide de ses photos de Rambuteau au Panthéon.
La démarche d’Eugène Atget
L’entreprise photographique d’Eugène Atget est systématique et son usage est documentaire. Il observe qu’il y a un véritable besoin d’images, de preuves, de détails, et de témoignages. Cela peut servir à corps de métiers dans l’architecture ou dans la peinture. Il décide alors de faire un catalogue de Paris, et s’appesantit sur les aspects désuets, typiques et pittoresques de la capitale.
Il procède par séries pour livrer un catalogue fidèle de la ville : « Paris pittoresque », « L’Art dans le vieux Paris », « Topographies du vieux Paris », ou « Paysages-documents », au fil de ses images, il dresse un témoignage topographique et historique de Paris sans l’épuiser complètement.
Le Paris disparu d’Eugène Atget
Il s’aperçoit en outre, que la modernité change la ville, comme elle fait évoluer l’époque et les mentalités. Il décide alors d’immortaliser des endroits qui s’apprêtent à disparaitre.
Il fixe ainsi les façades et les enseignes de la rue Saint-André des Arts, ses panneaux pour le traitement de maladies des oreilles, les chemins de fer de l’état ou son grand choix de pianos. Il s’attache aussi aux détails, comme aux ferronneries des grilles, aux escaliers et aux fontaines, au puits (comme celui du 4 rue de l’Essai dans le 6ème) et aux ouvrages médiévaux. Il consacre aussi toute une série aux cours pittoresques et disparues. Il nous livre alors des endroits aujourd’hui disparus : comme au 29 de la rue de Broca, ou au 7 rue de Valence qui date du 17ème siècle. Sur son cliché on y voit une voiture à cheval, dite hippomobile.
La cour du Dragon avait abrité à la fin du 18ème siècle deux médecins dont l’un traitait les ulcères et maladies cancéreuses tandis que l’autre distribuait un remède contre le mal de tête. Puis durant les 30 glorieuses, en juillet 1830, elle devient un lieu où les émeutiers se fournissent en barres de fer. Les ferrailleurs y ont en effet quelques boutiques. Il ne reste aujourd’hui que l’ouvrage qui domine la porte du 50 rue de Rennes, qui ornait à la base un portail magnifique, qui avait été classé monument historique en 1920. En cette qualité, elle attirait les amoureux du Paris ancien, qui venaient voir cet endroit qui ne bougeait pas. Mais le temps passant sur la Cour comme sur les habitants, celle-ci commence à être désertée, et de plus en plus abandonnée. La végétation et les chats sauvages l’investissent. Sa démolition est prononcée en 1934, et on parvient à sauver le portail. Le dragon est emmené au Musée du Louvre.
En 1914, Eugène Atget fixe aussi le Parc Delessert, désormais disparu. Il s’agit d’un parc privé à Passy, appartenant à la famille aisée du même nom. Benjamin Delessert avait alors racheté l’ancien parc des eaux minérales de Passy et il en avait repris l’exploitation après la Révolution Française. Lorsqu’Eugène Atget le photographie, il en capte tout le côté naturel et sauvage, en soulignant ses contrastes : un chalet suisse côtoie un escalier en vieilles pierres… Dans ces images on sent le goût pour la Nature du photographe, qui parvient à rendre toute la poésie des lieux (c’est aussi le cas sur les images du Parc de Sceaux ou de Versailles).
Enfin la maison de Mimi Pinson, héroïne de Musset et devenue une légende du quartier de Montmartre, que nombreux artistes ont immortalisée.
Une balade dans le Paris d’Eugène Atget
A présent si nous devions nous promener dans la capitale, avec en tête les images d’Eugène Atget, nous pourrions suivre un itinéraire comme celui-ci :
En longeant le quai de Conti, vers le Pont des Arts, il faudra prendre à gauche dans la rue Guénégaud. Une fois la rue descendue, vous parviendrez à la rue Mazarine que vous continuerez jusqu’au 28. Derrière la petite porte arrondie, se trouvait la petite cour qu’Eugène Atget saisit ici.
Davantage d’informations ici
Vous pourrez poursuivre dans la rue du Jardinet. Puis à Odéon, prenez la rue Danton pour redescendre vers la Seine, puis sur votre droite la rue Séverin, en croisant le boulevard Saint-Michel, la rue de Harpe et le boulevard Saint-Jacques. Faites le tour par l’impasse Salembrière, la rue de la Bucherie (où on déchargeait les bûches au Moyen-Age), passez devant la jolie Librairie Shakespeare and Company au 37, pour revenir sur la rue Saint-Julien le Pauvre. Cette très ancienne voie a pris le nom de l’Eglise Saint-Julien le Pauvre à laquelle elle conduisait. A l’angle de la rue Galande, vous pourrez voir les quelques maisons à pans de bois et des vestiges de la chapelle Saint Blaise qui était le siège de la confrérie des maçons charpentiers. Ici on reconnait assez bien les lieux d’après la photo d’Eugène Atget.
Vous remonterez ensuite vers la rue de la Montagne Sainte-Geneviève, en prolongeant la rue Galande, puis la rue Lagrande, pour passer sur la place Maubert, et remonter vers le Panthéon.
Vous n’êtes alors pas loin des stations de métro : Cardinal-Lemoine ou Maubert Mutualité sur la ligne 10 en redescendant derrière vous, ou de la station de RER B Luxembourg si vous poursuivez et que vous descendez la rue Soufflot.