[note de lecture] "Le Dessin d'une oreille" de Rorik Dupuis, par Alain Helissen
Par Florence Trocmé
La collection 25 de l’Atelier de l’agneau éditeur publie
« le premier livre d’un auteur ». Louable intention qui permet à de
jeunes écrivains de trouver là le tremplin souvent difficile à obtenir auprès
de maisons d’édition plutôt « couveuses » d’auteurs confirmés. C’est
l’occasion en tout cas de découvrir Rorik Dupuis, né en 1989 et n’ayant
jusqu’ici publié que dans quelques revues. De nationalité franco-allemande,
Rorik Dupuis est aussi pianiste compositeur et auteur de scénarios. Le dessin d’une oreille se compose de
quatre parties, elles-mêmes organisées en une succession de textes courts. Si
cet ensemble apparaît, à première vue, comme un récit désarticulé, il révèle
peu à peu une réelle unité. Le style éclaté, dans une syntaxe presque
télégraphique présentant la particularité d’une ponctuation se composant
surtout de doubles points suivis de majuscules, finit en effet par offrir une
lecture « compacte », même si le texte se rebelle contre toute
linéarité. Ce premier livre donne l’impression d’un fatras de notes et
d’observations diverses qui serviraient précisément à l’élaboration d’un
« vrai » roman autobiographique. Mais Rorik Dupuis n’entend pas se
soumettre à un scénario aussi convenu. Changer de lieu, d’histoire, de
personnages, le préoccupe davantage. « Le seul mec de la compagnie qu’on
devrait décorer, c’est le déserteur », peut-on lire dans le second chapitre.
Et ce rôle de déserteur lui convient sans doute, lui qui déserte chaque phrase
en construction pour en rejoindre une autre, bâtissant de fragments agglomérés
un livre pluriel d’où émergent des souvenirs d’enfance, le sentiment amoureux,
la sexualité naissante, l’errance, les frustrations, le tableau social… Rorik
Dupuis est-il ce « sale gosse toujours barbouillé de larmes faciles et de
mauvais chocolat » qu’il évoque chapitre trois ? Ou bien celui qui se
demande « si l’on a fait de nos gribouillis une fresque ? »
« Deux rues plus loin » − titre du chapitre quatre − il s’arrête chez
le coiffeur pour demander une baguette. Il a « bon désespoir » que
les choses changent. Une suite est annoncée.
[Alain Helissen]
Le dessin d’une oreille, Rorik Dupuis ; 76 pages ; 14 €. Editions
Atelier de l’agneau. www.at-agneau.fr