Point d'équilibre - Mélissa Verreault

Par Venise19 @VeniseLandry
Je l’ai lu deux fois. Comme pour le film que l’on reconnait avoir vu mais dont on ne se souvient pas suffisamment, l’on tente d’attraper des petits bouts pour finir par le regarder au complet. À la différence près que dans Point d’équilibre, il y a onze histoires. Ce n’est pas la première fois que le souvenir de nouvelles d’un recueil s’estompe, une nouvelle effaçant l’autre. Pourtant, j’ai trouvé la plupart de celles-ci excellentes.
On entre directement dans chaque histoire, sans passer par le moindre portique*. Mélissa Verreault nous fait monter dans un train en marche, l’action est en cours, le personnage vit au sommet de ses émotions, lesquelles l’on voit par la suite se déployer, descendre ou monter. Les propos de l’auteure sont contemporains et s’y glissent des flèches visant adroitement nos travers de société. J’ai beaucoup apprécié le naturel avec lequel les personnages décochent des pointes acérées de sarcasme à point nommé : « De toute façon, l’espoir, c’est pour les gens qui croient que la vie a un sens et qu’en suivant la recette à la lettre, le succès est dans la poche. Ceux-là, ils n’ont jamais lu la théorie du chaos, trop concentrés qu’ils étaient sur les pages de leurs magazines de mode ».
Le titre avec ses deux sens est tout simplement ingénieux. Dans certaines nouvelles, c’est le premier sens ou le sens premier : (il n’y a) Point d’équilibre et dans certaines autres, (où est le) Point d’équilibre ? Cela décrit bien les réalités déstabilisantes que l'auteure a désiré aborder chez ses personnages en mouvance. Presque chacune des nouvelles contient deux histoires imbriquées, tout en conservant la concision propre à une nouvelle est, à mon avis, assez méritoire. En plus, les onze s’imbriquent entre elles, ne serait-ce que par un détail, lequel je n’ai pas toujours repéré à ma première lecture. Si je peux me permettre un conseil, à lire d’un bout à l’autre sans interruption !
Je reviens à ce que j’ai déjà écrit, j’attends toujours la fin d’une histoire, les sens aux aguets, et même, parfois, avec une brique et un fanal. J’assène l’auteur de mes recommandations : tu as besoin d’avoir une fin qui ramasse tous les éléments mis en place sinon j’aurai la sensation d’avoir été menée en bateau. Autrement dit, une fin non gratuite. C'est avoué, je suis particulièrement exigeante pour les fins d’histoire et dans Point d’équilibre, il y en a onze ! Bien entendu, il y en a qui m’ont fait un peu maugréer. Disons que j’y ai moins détecté le point d’équilibre.
Quand la fin est tragique à outrance, je me passe la remarque que j’aurais compris sans que l'on en mette autant. Ça fait un peu sensationnalisme. Mais comment lui (à la fin ou à l’auteure !) en vouloir, Madeleine, et Les Épaules d’Atlas ont le mérite de faire réagir. D’autres fins m’ont déçue sur le coup, mais en relisant la phrase finale qui ferme la parenthèse avec élégance et poésie, je me réconciliais. Mais, ce genre de fin s'estompe plus facilement : Over, 37½, Un grain de sel dans la mer morte.
Étoiles de papier est celle dont je me souvenais le plus avant ma deuxième lecture. Peut-être parce que j’ai lu que Mélissa Verreault avait accouché de triplées et qu’on dit ce recueil empreint de son vécu : [...] peut-être à cause du fait que Anne trimbale une vie complète dans son abdomen, tandis que lui, tout ce qu’il peut transporter, ce sont leurs manteaux. Un père patère. La nouvelle, L’inconnu porte un thème fort, bien mené, la peur des inconnus est tangible, le style haletant, cependant la fin pourrait être le milieu.
Dans l'ensemble de ces nouvelles réussies au style dégourdi et critique, plusieurs personnages partent ou arrivent dans une ville, un pays ou une situation corsée. Ils sont passagers, l’on s’assoit à leur côté le temps de l'arrêt du train dans la gare d’une ville, l’on décide ensuite de descendre ou de rester avec eux.
Pour les amateurs de nouvelles, dont je ne suis pas vraiment, ne laissez pas échapper ce recueil.
 *portique : québécisme équivalant à vestibule.