Hureau © La Boîte à bulles – 2013
Limul Goma, lors d’une petite vente aux enchères de province, achète, contre toutes attentes et pour un prix faramineux, un massacre de buffle (trophée de chasse constitué des cornes de l’animal). Pour ce mystérieux collectionneur d’objets morbides et de petites histoires personnelles, éclairant d’un jour nouveau la Grande, celle de l’Humanité, ce « massacre » est une pièce rare qui trouvera une place de choix dans son « musée insolite ». Tour à tour, les récits, les documents, qu’il collecte auprès des différents protagonistes ayant eu entre leurs mains le trophée, nous permettent de comprendre sa satisfaction à posséder ce nouvel objet. En effet, « ce massacre CONTIENT, synthétise, par son histoire, le destin d’un pays emblématique des grandes tragédies du vingtième siècle ! ».
A l’instar de Hautes-Œuvres, Simon Hureau construit une nouvelle fois un récit où sont entrecroisées la petite histoire de la pièce de collection (et surtout de ses différents propriétaires) et la Grande Histoire de l’Humanité. L’auteur nous invite à suivre son enquête qui débute dans une salle de ventes aux enchères de Tours et se termine dans la jungle cambodgienne. On y croisera un ancien commissaire-priseur, le jeune Simon qui ne manque pas de ressemblance avec l’auteur, son amie Louise qui vient d’hériter de bien plus que quelques vieilleries de son grand père, un ancien boy devenu officier, et plusieurs personnages célèbres… On suivra surtout Magloire Desgravières, ancien soldat français de 14-18 qui crut pouvoir fuir la barbarie humaine en partant loin. Mais le récit autobiographique qu’il fait à Limul Goma, prouve que même au cœur de la jungle, les petites anecdotes personnelles font l’Histoire.
Tous ces récits, de la brève à la biographie s’étalant sur des décennies, constituent les pièces d’un puzzle. Le choix de leur agencement les unes avec les autres, l’utilisation du personnage de Limul Goma comme « fil rouge » et un sens du suspens certain, permettent à l’auteur de nous tenir en haleine… et de ne pas nous perdre en route !
Kouprey
L’intrigue rassemble donc plusieurs personnages. Ils ont comme seul point commun le fait d’avoir, à un moment donné de leur vie, été en possession du même objet : le massacre d’un buffle. Pour se faire, Simon Hureau n’hésite pas à situer la genèse de son intrigue dans les années 1930… et à proposer un dénouement qui se passe de nos jours. Il met en exergue le fait que des parcours de vie individuels influencent l’histoire de l’Humanité, démontrant ainsi que la vie tient à bien peu de choses… Pour mettre en exergue ce constat, il ose faire porter la responsabilité du génocide cambodgien sur les frêles épaules d’un de ses personnages. Ironie du sort ?
Passé lointain, passé proche et présent trouve donc leur articulation autour d’un objet narratif : le trophée de buffle. Tout s’articule autour de cet élément central, c’est grâce à lui que l’on acquiert les informations essentielles sur chaque personnage, c’est par lui que l’intrigue s’installe et la tension de l’album s’articule.
Comme à mon habitude, je me retrouve en difficulté pour décrire le dessin de Simon Hureau. Riche, fouillé, réaliste, précis… tous ces qualificatifs se bousculent sans que je puisse les ordonner. Simon Hureau n’omet rien tant dans la construction de ses décors (enrichis de nombreux ornements) que dans la description de ses personnages. Il frôle souvent les limites raisonnables et il s’en faut peu pour que le dessin ne soit surchargé. Ma sa délicatesse justifie tous les accessoires dont il se dote, le graphisme en est presque précieux. Il dégage une ambiance presque intemporelle à l’instar de son intrigue qui se trouve à la croisée de plusieurs époques.
Une lecture que je partage avec Mango
Le Massacre
One shot qui s’inscrit dans l’univers du Musée Insolite de Limul Goma
(voir Hautes Œuvres)
Editeur : La Boîte à bulles
Collection : Hors champ
Dessinateur / Scénariste : Simon HUREAU
Dépôt légal : janvier 2013
ISBN : 978-2-84953-152-5
Bulles bulles bulles…
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