La Cour des Comptes vient de faire paraître son dernier rapport. On peut tortiller les faits comme on veut, la conclusion des Sages est sans appel : d’une part, Hollande trotte en plein Disneyland avec son déficit à 3%, et d’autre part, il est plus que temps que l’État français maîtrise ses dépenses. À présent, parlons Pape, lasagnes et mariage homosexuel. Vite.
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Bon, soit, ne parlons pas tout de suite lasagnes, puisqu’il semble qu’à nouveau, le rapport annuel de la Cour des Comptes suscite un vague intérêt.
Eh oui, que voulez-vous, tous les ans à pareille époque, l’institution républicaine produit un épais document que les rédactions se délectent à éplucher. Les journalistes sont toujours friands de nouvelles croustillantes et de petites phrases plus ou moins acidulées sur telle collectivité territoriale dépensière, tel politicien à la gestion créative, telle commission au nom poétique. Cette année n’a pas dérogé à la règle : rapidement, à la suite de cette publication, on aura vu fleurir dans les fils de presse moult informations détaillées sur les derniers sabotages de pipe-lines à pognon pour des arrosages sauvages assez rigolos.
On découvre ainsi, moins surpris que la Cour des Comptes (on est en France, hein, tout de même) que l’État et RFF, deux larrons toujours d’accord pour cramer des camions de billets, se sont entendus pour implanter une gare en rase campagne pour le TGV-Est. Pour la Cour, la localisation à Cheminot-Louvigny, à une quinzaine de kilomètres du réseau ferré (!) est le résultat d’affrontements d’élus locaux et de compromis médiocres des politiciens du cru. Et comme d’habitude dans pareil cas où l’intérêt collectif aura été sacrifié sur l’autel de la gloriole personnelle des tocards à écharpe tricolore, le cochon de contribuable paiera : l’éloignement de cette gare, uniquement reliée par l’autoroute A31, a en effet nécessité de recourir à des navettes de bus, dont l’exploitation est comme par hasard joyeusement déficitaire.
On apprend de la même façon que la fort coûteuse rénovation d’un hôpital public, à Perpignan, aura été l’occasion pour les branquignoles en charge du projet d’explorer de nouvelles pistes d’incompétences, de jmenfoutisme et d’incurie généreusement noyée dans une irresponsabilité maintenant habituelle : reconstruit sur son ancien site, sans possibilité d’extension sauf à racheter de nouveaux terrains, ce qui n’est pas prévu et de toute façon pas gratuit (merci les contribuables), le centre hospitalier de Perpignan manque d’un étage dédié aux circuits logistiques. Un étage oublié, voilà qui est d’un banal, ne trouvez-vous pas ? Le rapport de la Cour fustige cependant ce « véritable contresens au regard des normes modernes d’hospitalisation et de lutte contre les infections nosocomiales », parce que dire « oh, bon, bah, pfffu, franchement, hein, bref. » n’aurait pas été très professionnel.
Bien évidemment, des exemples comme ces deux-là, il suffit de chercher pour en trouver, et bien au-delà du rapport de la Cour des Comptes. Ici, on ne peut que se réjouir que la masse amorphe des journalistes se décide à sortir de son habituelle léthargie pour faire enfin son travail et rapporter quelques uns des dysfonctionnements graves du pays. Mais si on voulait en trouver d’autres, on pourrait sans problème, et certains méritent largement de faire les gros titres tant le scandaleux s’y dispute à l’outrance en cette période de crise.
On pourrait par exemple évoquer la gestion catastrophique des HLM de Guadeloupe, la Semsamar, dont la directrice, tout bien considéré, gagne plus d’un million d’euros de salaire par an. Oui, vous avez bien lu : un million d’euro de salaire pour ce qui est le travail d’une fonctionnaire municipale. La Région Guadeloupe, la commune de Basse-Terre et la collectivité territoriale de Saint-Martin, principaux actionnaires de cette société de gestion immobilière, ont apparemment approuvé sans sourciller ces émoluments. Tout va bien.
On pourrait par exemple s’interroger sur la pertinence d’une subvention de 400.000 euros (oui oui, 400.000 euros, environ 160 SMIC chargés) déboursés par les contribuables de la municipalité de Marseille pour un (indispensable) concert de David Guetta dont tout le monde sait que sans cela, il serait probablement l’artiste de France le plus connu du Monde et le plus SDF du pays ou quelque chose comme ça. Comme le prix des billets est assez élevé, le concert aurait été rentable sans la subvention, ce qui donne encore une fois une idée précise du peu de considération des élus pour les cochons de contribuables lorsqu’ils distribuent leur argent.
On pourrait tout autant remettre en question l’utilité de la HADOPI qui continue à justifier son existence en amusant le monde avec des enquêtes sans intérêt et des labels ridicules aux noms délicieusement vintage avant même d’avoir un jour vieilli. Tout ceci nous coûte une douzaine de millions par an, pour un effet tangible nul sur des pratiques internautiques en constante évolution, au contraire des lois hadopitoyables qui, elles, s’enfoncent mollement dans la glaise législative avant fossilisation définitive.
Ces exemples, qu’ils soient ou non traités par la Cour et malgré l’énormité systématique des sommes impliquées, ne semblent pas déclencher de mouvement général de ras-le-bol des citoyens ; du reste, ce n’est pas complètement anormal puisqu’une bonne partie d’entre eux croit (à tort) ne pas payer d’impôts et qu’une autre partie, pas forcément la même et pas forcément non plus celle qui en paye consciemment, bénéficie d’un peu de l’arrosage en doses libérales de l’argent gratuit des autres…
Cette désinvolture, ce désintérêt ou, plus probablement, cette incompréhension dramatique du mécanisme de la dépense du pays permettent commodément aux journalistes de se focaliser sur les autres remarques de la Cour.
Quelles sont-elles ?
Comme je l’évoquais dans l’introduction de ce billet, on retrouve, finalement, les mêmes remarques que d’habitude, à savoir que l’Etat devrait, au plus vite, maîtriser ses dépenses. Cette fois-ci, cependant, la Cour assortit ses remarques d’un constat qui aurait été saignant si elle avait été la seule à le faire : les 3% de déficit ne seront jamais atteint cette année, et les hypothèses retenues par le gouvernement sont complètement fantaisistes. En langage diplomatique, c’est dit ainsi :
« Les prévisions de croissance des recettes retenues par le gouvernement s’appuient sur un scénario macroéconomique et une élasticité des prélèvements obligatoires qui sont trop optimistes. »
Et, une fois encore, la Cour explique clairement que les bricolages de Hollande et son gouvernement pour faire croire à une baisse des dépenses, ça ne berne personne, et surtout pas les auditeurs de la rue Cambon :
« Aucune réforme porteuse d’économies substantielles au-delà de 2013 ne peut être identifiée à ce stade. La priorité absolue est désormais d’intensifier l’effort de maîtrise de la dépense dans l’ensemble des administrations publiques »
Je résume : le rapport de la Cour des Comptes de toutes les malversations, gabegies, dépenses inutiles, ridicules ou trop importantes ne maigrit pas. Ses recommandations sont de plus en plus pressantes. Les soi-disant efforts de réduction des déficits de Hollande et sa clique n’en sont pas. Le pays s’enfonce donc officiellement dans la ruine. Et la Cour n’a aucun pouvoir coercitif.
Heureusement, le Mali est libéré. Hollande fait des blagues Carambar sur le Pape. Hamon va tout faire pour combattre les lasagnes au cheval. Ce pays est bel et bien foutu.