Rythmes : qui va s’occuper des enfants ?

Publié le 13 février 2013 par Sampieru

La mobilisation n’y changera rien, la semaine d’école durera 4 jours et demi. Mais comme j’ai pu l’écrire ici, et aussi le dire ailleurs, il n’est pas question de contester le principe d’un étalement des heures d’apprentissage sur une plage plus large qu’aujourd’hui. Ce qui est critiquable dans cette réforme, outre la méthode, c’est qu’elle  ne prend en compte le rythme de l’enfant que dans l’objectif de le rendre disponible à l’enseignement.
En cela, et malgré le soutien qu’affichent certaines fédérations d’Education populaire, cette réorganisation de l’école inflige un camouflet à toutes les personnes qui agissent autour de l’enfant : la famille, peu consultée et dont l’organisation quotidienne est en péril, et les tiers-lieux éducatifs, de l’accueil de loisirs au club sportif.
Si les premières victimes de cette vision scolarocentrée du rythme des élèves seront les enfants eux-mêmes (pensez donc : une pause méridienne d’une heure trente, un calvaire) elle entraîne aussi de facto une évolution sensible du cadre d’emploi des auxiliaires éducatifs que sont les animateurs socioculturels. Les conséquences sur leur temps de travail vont entraîner, pour ceux d’entre eux qui sont professionnalisés, une évolution encore à la baisse d’un statut souvent extrêmement précaire. Un sentiment aggravé par la double annonce du Ministre de l’Education : la révision des taux d’encadrement dans les activités périscolaires, et l’invite lancée en Auvergne il y a quelques jours : «Vous fonctionnez bien avec des animateurs n’ayant pas tous le BAFA. Pourquoi ne pas continuer ?».
Parent mais aussi formateur d’éducateurs à travers l’ensemble des dispositifs du Ministère de la Jeunesse et de l’Education populaire, je regrette cette interpellation. Confirme-t-elle le mépris que ressentent parfois les animateurs qui travaillent au relais des enseignants dans les écoles (genre : "école ouverte oui, mais si ma classe reste bien fermée") ? Encourage-t-elle les familles, aisées ou fiscalisées, à recourir aux services d’entreprises du secteur marchand pour assurer la garde des enfants en lieu et place d’une proposition collective associative ou municipale, jugée insuffisante voire insécurisante ? Si l’on ajoute à ce sentiment les encouragements adressés au Gouvernement qui poussent vers le raccourcissement des vacances d’été, on frémit à l’idée de voir disparaître nombre d’initiatives qui permettent aujourd’hui d’accompagner les enfants dans leur découverte d’eux-mêmes et du monde, au relais des parents et de l’école.
Certains dénoncent cette économie du mercredi et des vacances, comme réservée à une élite. Venez le mercredi matin dans le centre de mon association à Marseille, vous ne trouverez pas ce public. Vous trouverez des enfants dont les parents travaillent pour des salaires de misère à des kilomètres du quartier où ils habitent, et qui avant les laissaient dans la rue ou devant la télé. Face à eux, vous compterez les animatrices et les animateurs, avec leur BAFA, leur BAFD ou leur BPJEPS. De vrais professionnels, dont l’action consolide sans cesse les fondamentaux que l’école peine à transmettre à coup de leçons de choses : vivre ensemble, connaître son environnement, prendre des responsabilités et gagner en autonomie. C’est d’autant plus vrai que nous avons beaucoup investi pour leur formation, pour être efficaces à ces moments si particuliers du « périscolaire » durant lesquels on doit proposer plus qu’une garderie.
Alors oui, dans cette nouvelle semaine de 4,5 jours qui précipitera toutes nos structures  de proximité dans la tourmente, qui va s’occuper des enfants ? La réponse n’est pas dans la réforme, elle sera dans le projet éducatif de territoire me direz-vous ? Très bien. Espérons simplement que la concertation sera cette-fois au rendez-vous, et pas réservée aux centrales qui ont pignon sur rue et qui représentent peu. J’y porterai mon témoignage, de père de famille et de professionnel de l’animation, en espérant que cette marche forcée ne signifie pas pour les familles la perte de la liberté de faire confiance et l’ouverture d’un nouveau droit payant.