Nouveau lieu saint en Inde

Publié le 10 avril 2008 par Lecomte

Dans la thématique des auteurs que je souhaite mettre en avant sur mon blog, j'ai le plaisir de vous présenter Céline Richard, jeune femme curieuse de la vie, voyageuse dans l'âme.

Son ancien blog Notes pour un film en Inde fut récompensé de la 3ème place lors du Concours de Blogs de Voyages organisé par le voyagiste Expedia en 2007 sur le thème du Voyage Durable.

De ses deux voyages en Inde - 7 mois entre décembre 2006 et février 2008 - en solo avec juste son sac à dos et quelques transports locaux, Céline alimente avec enthousiasme et implication ses carnets de voyages sur ses pérégrinations et découvertes au sujet de ce pays fascinant, "Voyager m'est vital. Je ne prends jamais autant de plaisir qu'en me confrontant aux éléments naturels, à d'autres modes de pensées, à d'autres problématiques ou à d'autres conceptions de la vie et de la mort... afin de mieux comprendre les enjeux géopolotiques...et plus simplement d'assouvir ma curiosité ! "

Voici son article :

"Pour les hindouistes , tous les êtres vivants sont assujettis au cycle des réincarnations successives "samsara", duquel ils peuvent être délivrés "mukti" pour atteindre la dissolution dans le divin et la fusion avec la conscience cosmique "nirvana".

La qualité de la renaissance dépend du karma, c'est-à-dire de la qualité des actes commis durant la présente vie ainsi que les vies antérieures. Il est possible d'échapper à ce cycle par la pratique de la charité, de la dévotion, du renoncement et de la méditation. Les renonçants, également appelés sâdhu ou affectueusement baba, coupent alors tout lien avec leur famille pour parcourir les routes de l'Inde et du Népal, vivant grâce aux dons des dévots.

Des raisons moins spirituelles comme fuir sa caste - les saints hommes ne reconnaissent pas ce système - échapper à une situation familiale pénible mais aussi de la part d'une femme à l'infâmie du veuvage incitent certains Indiens à opter pour cette voie.

Au nord de l'Inde, à Khajuraho, une petite ville du Madhya Pradesh, vivait depuis des décennies, sous une tente au pied d'un temple dédié à Shiva, un homme saint que les habitants appelaient

L'année dernière, mon jeune ami Dinesh m'avait demandée de l'accompagner au temple. Ce jour-là, j'avais rencontré Babaji pour la première fois. Il paraissait si vieux avec son teint cireux et ses membres décharnés... 110 ans selon les uns, 120 selon les autres. Allongé sur un matelas au sol, une femme lui massait le dos : la croyance veut que les sâdhus aient certains pouvoirs.Babaji n'était pas de ceux qui sont capables d'entrer en lévitation ou vivre sans manger. Babaji avait le pouvoir de guérir les femmes stériles.

De retour à Khajuraho, cette année, j'ai été contente de constater que Babaji était toujours en vie. Je m'étais prise d'affection pour ce vieil homme, adulé par les pèlerins qui ne manquaient jamais de le saluer avant de pénétrer dans le temple. Babaji était continuellement entouré de femmes qui le choyaient dans l'espoir d'une grossesse miraculeuse.

Une semaine après mon arrivée, une fête locale dédiée au dieu Shiva attira tous les hindous des villages environnants...

Certains ont débarqué en rampant. Les femmes portaient leur plus beau sari. Des bracelets multicolores, des bagues d'orteils, des couronnes dentaires, des herbes aux effets magiques, des images pieuses, des noix de coco par milliers... Luxuriants étaient les étals pour ce jour de fête. Le temple n'a pas désempli de la journée. Légèrement devenue mystique en cette fin de voyage, j'y étais allée à l'aube : je n'avais, bien sûr, pas manqué de saluer Babaji, regrettant d'avoir encore oublier mon appareil photo.

A 18h30, lorsque la dernière puja de la journée - prière rituelle -s'est achevée, Babaji est décédé : il avait atteint la délivrance.

La triste nouvelle s'est rapidement propagée. Un attroupement d'hommes, de femmes, d'enfants s'est formé devant la tente de l'homme saint. La police a commencé à installer des barrières et à ordonner à la foule de former une file d'attente. Le maharadja de Khajuraho, accompagné de sa mère éplorée, fut l'un des premiers à se recueillir devant la dépouille de Babaji. Les caméramen ont essayé de se frayer un chemin parmi les pélerins. Des hommes se sont armés de pelles et de pioches pour creuser la tombe. Un moustachu a installé une sono, devenant de fait l'animateur des funérailles. Des sâdhus sont apparus et ont monté un campement sauvage. Les femmes, exceptionnellement autorisées à sortir de chez elles, se sont réunies et ont entonné des chants. Certaines pleuraient. Les magasins ont baissé les rideaux. Les rabatteurs et arnaqueurs ont fait une pause. Quant aux touristes, ils ont continué de visiter tranquillement les temples aux sculptures érotiques, principale attraction de la ville, sans comprendre l'agitation mais regrettant de ne pas pouvoir faire de shopping.

Babaji a donc été enterré : le corps d'un sâdhu n'est pas soumis au rituel de crémation, car il est dit que l'ascèse - tapas qui signifie aussi "feu" - brûle toutes les impuretés.

A la fin de l'inhumation, les hommes sont repartis vaquer à leurs occupations, les femmes à leurs fourneaux. J'ai compris que je venais de partager un moment fort de la vie de ces villageois.

Une photo de Babaji orne désormais les grilles d'entrée du temple, devenu un nouveau lieu saint."

Vous souhaitez en savoir un peu plus sur les Sadhûs, Céline vous conseille ce site .