Ainsi donc, le Conseil constitutionnel a volé au secours des très riches. Eu égard à la composition ultra-conservatrice dudit Conseil, pas de quoi s’étonner. On pourrait même en rire: les sages sont à la République ce que les boursiers sont à l’argent. Mais comment s’amuser d’un épisode aussi lamentable qu’ambigu alors que la France vit l’une des crises sociales les plus épouvantables de son histoire contemporaine? En annulant la fameuse «super-taxe» à 75% pour les revenus supérieurs à 1 million d’euros, les membres du Conseil ont fait parler le droit – en faisant surtout de la politique!
Février 2011, lors de l'émission "Parole de candidat".
C'est ce jour-là qu'il proposa la taxe à 75%...
Le futur ministre du Budget, Jérôme Cahuzac, était tombé de l’armoire et n’hésitait pas à dire tout le mal qu’il pensait de l’idée. Cette proposition était un marqueur de gauche, l’un des plus importants, l’un des plus clivants. Le président voulait respecter cet engagement. C’est assez rare pour ne pas le signaler.
Sans surprise, la droite jubile, le Medef parle de «soulagement». Quant au président de la Ligue de football professionnel, Frédéric Thiriez, laissons-le à sa «belle et indispensable victoire», comme il dit. À l’évidence, les élémentaires notions républicaines d’égalité et de solidarité se sont totalement dissoutes dans le fantasme des budgets qataris et de l’argent-roi... Jean-Marc Ayrault, c’est une chance, a annoncé qu’«un nouveau dispositif» serait prochainement mis en place. Mais quand? Et à quelles conditions? Au passage, prenons les devants. Les membres du Conseil constitutionnel se réservent le droit d’examiner «le caractère confiscatoire» d’un super-impôt, une menace à peine voilée de nouvelle censure. Mais au nom de quoi définiraient-ils des taux d’imposition jugés «acceptables» et en condamneraient-ils d’autres qualifiés de «confiscatoires»? À ce tarif, ces messieurs auraient assurément embastillé un certain Roosevelt (bien connu pour ses idées marxistes!), coupable d’avoir imposé les riches Américains à 90%!
Qu’en dira le chef de l’État, lors de ses vœux aux Français? Au prétexte qu’il n’y aurait «pas d’urgence», quelques proches l’invitent à «laisser tomber» cette mesure. Autant dire que nous serons attentifs pour évaluer son degré d’implication. S’il renonce, une fois encore, le signal sera terrible et les idéologues de droite et de la finance déboucheront le champagne. Il n’y avait déjà pas grand-chose dans la réformette fiscale du gouvernement, pour le coup il n’en resterait rien sinon la chronique d’un prévisible et pathétique échec... Le courage de gauche, ce serait d’engager une véritable révolution fiscale, avec une taxation des revenus du capital au même niveau que ceux du travail, avec un impôt plus progressif jusqu’aux tranches supérieures, avec l’instauration d’un revenu maximal par an, comme le propose le Front de gauche. La bataille est-elle perdue? Non, elle recommence. C’est à l’avènement d’un véritable changement que vont nos vœux pour l’année nouvelle. Des vœux de luttes!
[EDITORIAL publié dans l'Humanité du 31 décembre 2012.]