La nouvelle est tombée en fin de matinée, entre le rondo d’un concerto pour piano et orchestre de Brahms et l’andante du troisième mouvement de la quatrième symphonie de Mozart : le pape démissionne. A 13h, la présentatrice à la voix tonitruante lance son journal avec cette information capitale : le pape démissionne. « En direct depuis Rome, notre correspondant… » Dodelinant de la tête et tandis que des images de la place Saint-Pierre défilent derrière lui, ce dernier rapporte le bulletin des agences de presse : « En réalité, le pape ne démissionne pas. Il a simplement déclaré en latin aux cardinaux réunis autour de lui qu’il se retirerait à la fin du mois dans un couvent… » La présentatrice le coupe avant qu’il ne s’engage dans une nouvelle phrase et nous désigne, en plateau, le spécialiste maison de l’Église catholique. « Mais nous allons rejoindre le professeur H, historien des religions… » Le professeur H est mondialement connu à Paris pour ses interventions claires et précises et la proximité de son appartement avec les studios de la station. « Benoît XVI est en effet le troisième pape de l’Histoire a non pas démissionner puisque le pape étant au sommet de la hiérarchie, il n’a personne à qui remettre sa démission, mais à quitter ses fonctions de chef de l’église…. » « Donc, s’adresse ensuite la présentatrice au spécialiste en plateau, que va-t-il se passer maintenant que le pape a démissionné ? » L’autre se racle discrètement la gorge pour éclaircir sa voix et le visage grave compte tenu des circonstances explique doctement qu’après, non pas cette démission puisqu’on n’a jamais vu Dieu accepter semblable démarche, mais après le départ du pape pour quelque couvent où il soignera sa vieillesse avancée, les cardinaux vont se réunir en conclave pour élire l’un des leurs au siège de Souverain Pontife selon les règles prévues à cet effet ». Il a à peine achevé sa trop longue phrase que l’autre enchaîne : « Merci pour ces éclaircissements sur la démission du pape… » De deux choses l’une, ou par manque de retour dans son oreillette, la présentatrice n’entend pas ses interlocuteurs ou elle n’écoute pas leurs réponses à ses questions. A moins qu’elle n’utilise délibérément un vocabulaire le plus basique possible afin de se porter à la faible hauteur des téléspectateurs et de s’en faire mieux comprendre. N’osant pas croire qu’elle les prend pour des imbéciles, j’en conclus qu’elle ne connaît pas le sens des mots qu’elle utilise.