Benoit XVI a décidé, lundi 11 février 2012 de renoncer à son mandat et de redevenir, le 28 février à 20h, Joseph Alois Ratzinger. 265e souverain Pontife de l’Eglise catholique, il occupait la fonction suprême depuis avril 2005. Proche collaborateur de Jean-Paul II, celui qui fut élu au cours d’un des conclaves les plus courts de l’histoire a fait le choix inédit de se retirer pour permettre à l’Eglise d’être conduite par un Pape en pleine possession de ses moyens. Elu à 78 ans, le Cardinal allemand indiquait déjà lors de sa prise de fonction qu’il « acceptait des mains de Dieu cette mission même si cela lui paraissait au-delà de ses forces ». Selon l’Institut CSA, 58% des Français approuvent la décision du Pape, 5% ne l’approuvent pas et 37% se déclarent sans opinion.
Depuis plus de six siècles le descendant de Saint-Paul était mort « en fonction », suscitant à chaque génération une immense émotion pour celui qui conduit 1,2 milliards de fidèles. Cette annonce devrait modifier non pas le déroulement de l’élection mais sa préparation. En effet, à la différence des épisodes précédents, le monde entier va se préparer au conclave qui réunira, entre 15 et 20 jours après son départ, 120 cardinaux âgés de moins de 80 ans dans la chapelle Sixtine de Rome. En prenant cette décision aussi inattendue qu’historique Benoit XVI restera dans l’histoire et dans les mémoires ; relevant ainsi le « bilan » de son pontificat resté dans l’ombre d’un Jean-Paul II omniprésent, jusqu’à la fin.
Un éternel successeur…
Celui qui est devenu le premier Pape du troisième millénaire était jusque là préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Elu lors d’un conclave très court, Benoit XVI a très rapidement été présenté comme un Pape de transition par les observateurs. En effet, son âge et les combats menés lors de son pontificat n’ont cessé d’être comparés à l’action de Jean-Paul II, son illustre prédécesseur. Confident de Jean-Paul II, il était le théologien, l’éminence grise, laissant à Jean-Paul II le soin de conquérir le coeur et la foi des croyants.
Pape pendant plus d’un quart de siècle, Jean-Paul II est resté dans les mémoires des catholiques mais pas seulement. Canonisé le 1er mai 2011, il bénéficiait d’une immense popularité dans le monde et en France. Celui dont on vantait les combats était avant tout un Pontife qui parlait à tous les peuples et à toutes les générations. Pendant plus de 26 ans il a sillonné le monde (129 pays) et marqué profondément ceux qu’il a pu croiser. Pour de nombreux observateurs il avait su faire naitre une relation « physique » entre lui et les croyants du monde entier. En avril 2011, au moment de sa canonisation, les catholiques Français étaient encore unanimes selon l’Ifop : 78% préféraient Jean-Paul II à Benoit XVI. Ce taux atteignait même 81% chez les catholiques non pratiquants, signe que son message dépassait la doctrine religieuse.
Pape ayant eu le 2e mandat le plus long (derrière Pie IX au 19e siècle), il fut un acteur du dialogue entre religions notamment en organisant la réunion internationale interreligieuse d’Assise en 1986. Fondateur des Journées Mondiales de la Jeunesse, opposant farouche au communisme, il a également marqué l’opinion à l’occasion de la tentative d’assassinat dont il fut victime en 1981.
… Qui signe son Pontificat
Prêtre pendant près de sept ans, Benoit XVI a lui aussi œuvré par son ministère mais trop souvent l’ombre de son prédécesseur à semblé planer comme le montre ce sondage de l’Institut CSA réalisé lors de l’élection en 2005 : seuls 51% des catholiques se déclaraient satisfait de son élection. D’origine allemande, son élection a fait émerger de nombreuses questions et critiques et en particulier sur son inaptitude à la communication. Pape trop rigoureux pour certains, ses débuts non pas été simples, notamment en septembre 2006 lorsqu’il s’exprima sur la religion musulmane et la violence. De son pontificat on retiendra une prise de parole historique au Nations-Unies, un engagement fort pour la laïcité en France, le discours renouvelé avec la congrégation Saint Pie X, la moralisation de la mondialisation, le dialogue interreligieux renforcé, un couac sur le préservatif en Afrique, le Vatileaks et le premier tweet. Liste non exhaustive, elle témoigne d’une personnalité plus stricte, moins occupée à séduire l’opinion et qui demeura un Pape mal aimé.
Rompant avec la coutume, le souverain pontife a justifié son choix : «Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer adéquatement le ministère». Là encore il a souhaité faire différemment de Jean-Paul II dont l’agonie avait ému le monde entier.
A peine cette annonce communiquée les rumeurs et paris sont déjà lancés quant à l’identité de son successeur, sa personnalité, son origine ou son nom. Pendant quelques semaines le monde va regarder vers Rome et suivre le conclave qui désignera le nouveau Pape. Dès son élection, avant Pâques, il s’agira de se différencier, et de trouver son chemin pour guider l’Eglise en poursuivant les chantiers déjà initiés.
Il sera lui aussi un successeur et pourra – exceptionnellement – savoir son prédécesseur encore vivant. Là encore une situation inédite avec laquelle il devra composer. Reste à savoir quel rôle les cardinaux et l’opinion publique voudront lui donner. Quelle image il voudra donner à l’Eglise catholique et à son pontificat.