« C’est une source de corruption que de se refuser à suivre la marche de la doctrine à mesure qu’elle progresse et de s’obstiner dans les notions du passé. »
Bienheureux John Henry Newman, Essai II, V, 8.
Il a été, il est, il sera un très grand pape. On peut comprendre l’amertume et l’interrogation de nombreux chrétiens après la décision du Saint-Père, sagement mûrie, de renoncer à sa charge d’évêque de Rome.
Pourtant, l’acte de Benoît XVI témoigne d’une authentique sagesse, obéissant à un abandon intellectuel, lequel n’est autre que la reconnaissance de la perte de ses facultés physiques et mentales. Il y a là une humilité de l’intelligence à vouloir renoncer, pour le bien de l’Eglise. Une telle humilité est en soi une démesure, ne la minimisons pas et apprécions-là dans son ample douceur.
Cette décision, il l’a d’abord prise pour l’Eglise. Dans cet événement qu’on peine à vraiment mesurer, un sacrifice n’a pas été vu, la faute à une époque aveuglée de spectacle, chrétiens compris.
Benoît XVI sait qu’il n’est pas le Bienheureux Jean-Paul II dont Saint Padre Pio avait prédestiné et son vicariat et sa Croix. Il n’a pas voulu suivre le chemin de Jean-Paul II qui, de toute façon, n’était pas le sien. Double sacrifice. Grandeur du catholicisme ! Ce n’est plus la personne elle-même qui doit imiter ce chemin de Croix mais bien tous les catholiques, lesquels ne doivent pas se contenter d’observer la chrétienté, mais de vivre le Christ.
Sacrifice de soi, par son image.
Sacrifice de la charge, par sa personne.
C’est un jour de pénitence, oui, mais n’oublions jamais que ce retrait est le sceau d’un sacrifice silencieux aux accents d’un Hölderlin, digne de la médiation intime élaborée par René Girard dans Achever Clausewitz.
Ce sacrifice silencieux, le voici : sortir de la dignité suprême et vivre ses derniers moments dans le désert pour l’Eglise. Il y a du Célestin V chez ce Pape à l’apostolat anti-médiatique ; qu’importe ! Médiateur anachronique, il est d’abord le trait d’union vivant entre la foi et la raison, le Pape soucieux des jeunes et de l’œcuménisme ; en somme, Benoît XVI est un pape pacificateur, au sourire infaillible.
N’oublions pas non plus le contexte d’une telle décision durant cette année de la foi qui s’ouvre à peine, peu de temps avant le Carême. L’acte résonne comme un ultime appel à une communion dans le Christ, en vue de vivre pleinement ces 40 jours dans le désert le plus purificateur.
La Croix de Benoît XVI est dans l’abandon même de sa charge ; elle dit, par cet acte, que l’intelligence qu’il incarne, lui, l’un des plus grands théologiens du XXe siècle, doit laisser la place à la Croix du Christ.
Non, Benoît XVI n’est pas descendu de la Croix ; il vient de la planter. En ces temps au parfum de résurrection, voilà un petit pas pour Benoît XVI mais, assurément, un très grand pape pour l’Eglise.