Les talons et moi, c’est une belle et longue histoire d’amour…
Mais c’est aussi une belle, longue, compliquée et douloureuse histoire d’amour…
De celle dont on sait d’avance, quelle nous fera perdre quelques plumes, et beaucoup d’orgueil…
Depuis toute petite, j’entretiens cette idylle, riche en émotion, rêvant de me transformer en échasse, et d’échapper à ma condition d’oiseau court sur pattes… Je fais des songes de hauteur, gracieusement perchée, légère et aérienne, avançant d’un mouvement régulier, de balancier sexy et distingué à la fois…
Confrontée à la réalité de cette relation platonique et mouvementée, mes illusions se sont très vite envolées… Une hirondelle sur des talons, c’est un peu un pingouin, gauche, qui de dandine de façon absurde, le corps en avant, pour minimiser les chutes…
C’est horrible à dire, mais je jalouse à mort, depuis bien longtemps, toutes celles qui appréhendent le monde, la tête dans les nuages, semblant flotter au dessus du commun des mortels… Je les envie de se déplacer ainsi, avec aisance et grâce, ne redoutant rien, ni les pavés, ni les obstacles…
Je déteste passer devant les vitrines des chausseurs, en apercevant tous ces objets de désir et de convoitise auxquels je ne peux accéder, faute d’un sens de l’équilibre qui me fait cruellement défaut…
Pourtant des essais, il y en a eu, encore et encore, (à tel point que je ne les compte plus…) mais toujours non transformés… Certains caprices amoureux, coups de foudre irrésistibles et totalement irraisonnés, sont définitivement rangés aux oubliettes, dans leurs jolies boites cartonnées… J’ai eu ma période hush puppies, par exemple…
Les hush puppies, je peux le dire, ont été le drame de ma vie… J’en ai été tellement amoureuse, (une folle passion, non partagée…) que j’ai cru pouvoir dépasser mes appréhensions… mais rien n’y a fait, à mon grand désespoir… Ni la volonté, ni les déambulations à la maison, pour me familiariser…
Elles avaient tout, mais alors vraiment tout, pour me plaire les hush puppies… Je peux même affirmer, qu’elles étaient dessinées, très probablement rien que pour moi, l’ hirondelle rêveuse et sentimentale… De très jolies découpes originales en forme de cœurs ou de dentelles, de sublimes couleurs, des semelles fleuries, des lacets féminins et romantiques à souhait…
De temps en temps, nostalgique de cette période d’excès, dont je ne suis pas fière, je les sors de leurs écrins, et les contemple, belles endormies pour un temps indéfini…
Depuis mon désespoir à apprivoiser mes hush puppîes, j’ai abandonné, l’âme en peine, et le cœur lourd, toute envie irrésistible de talons hauts… En hiver je me contente donc de bottes cavalières bien stables, et en été, le monde des Repetto, et des Maloles m’appartient…
En même temps, je n’en suis pas vraiment désespérée, me sentant plus proche d’une ballerine que de Carrie Bradshaw à la démarche assurée, en toute circonstance …
Si la belle Sarah Jessica Parker est une icône, avec ses Manolo bahnik,
moi, malheureusement, et je dois bien m’y résoudre, je ne serai jamais une icône en hush puppies, trop crispée pour sourire, craignant d’ une bourrasque de vent qu’elle fasse s’écrouler le dangereux édifice de ma silhouette un peu bancale, entrainant mes plumes à la dérive, emportées par un souffle descendant…
Si le bonheur est composé de petits instants de joie, épars ça et là, qui n’appartiennent qu’à soi, tristesse est de constater que me concernant, le bonheur en talons hauts, me fait dégringoler, et déplorer mes rêves d’aventure finissants…
Et ce n’est pas tout… Un autre drame se profile à l’horizon… Mon mariage est pour bientôt, et avec les 25 cm minimum de neige devant ma maison, cela complique les choses…
Des bottes et une robe en soie ? Association improbable, et hors de question…
Mes Repetto, à la nuance exquise, et délicate, toutes neuves et si jolies ?
Elles risquent bien de ne pas se remettre d’un douloureux épisode à la Titanic… Et puis, cet engloutissement poudreux prévisible, serait du plus mauvais effet le jour J, totalement incompatible, avec une Lady bird convolant, le cœur plein de soleil…
Profitant d’une minuscule accalmie floconesque, je suis donc partie à la recherche de la paire de chaussures rares, ressemblant de près ou de loin, à des chaussures de mariée… petite hauteur, mais sans trop de hauteur…
Je sais que je suis un oiseau compliqué à satisfaire… et pourtant, quand on y réfléchit bien, au fond, je suis un spécimen tout simple… juste une plume entêtée…
Comme la perspicacité est toujours payante, et bien, j’ai trouvé les chaussures idéales… Enfin, qui s’approchent de l’ idéal… Jolies, sobres, élégantes, MAIS avec talons…
Et, ô miracle, elles sont aussi confortables que des chaussons…
J’ai de la peine à y croire, et pourtant, c’est bien moi, qui, pour une fois, porte de petits talons, sans ressembler à un canard boiteux…
Je vous le dis, je vous l’affirme, même, je sens que la révolution est en marche…
Peut être que prochainement, je vais renaitre, phénix du ciel, survolant le monde, la tête haute, et la prunelle un peu arrogante des oiseaux plein de certitude, hirondelle heureuse et tourbillonnante dans le firmament, chaussée de mes flamboyants et adorés hush puppies…