"Par Christian Bacqué
"l'ours fait bien vendre le fromage !", tel est le titre de l'article, paru sur la République et l'Eclair des Pyrénées du 9 Février 2013, qui met en exergue le FIEP ainsi que la fabrication du fromage Pé Descaous à travers un cahier des charges et une éthique qui permettent à l'ours et au berger de vivre ensemble en Haut-Béarn.
"Depuis 1995, 27 producteurs on participé au développement de la marque Pé Descaous, un fromage fabriqué par les bergers transhumants dans la "zone à ours", dans les Vallées du Haut-Béarn."
L'article nous apprend que les fromages d'excellence regroupés sous la marque Pé Descaous et marqués de l'empreinte de la patte du plantigrade enregistrent une augmentation constante des ventes. " De 5 ou 6 tonnes en 2010, la production a crû depuis, grâce notamment à l'arrivée de deux nouveaux bergers adhérents."
Ce projet Pé Descaous qui valorise une production de qualité grâce à l'image de l'ours est né il y a 18 ans. C'est une marque déposée à l'initiative de l'Association des bergers d'Aspe et d'Ossau, Aspe et Barétous, du Fonds d'Intervention Eco Pastoral groupe ours des Pyrénées (FIEP), et du WWF France dans le cadre du programme Life Coex. "L'enjeu est de maintenir ensemble bergers et ours sur la zone considérée" nous explique Jérome Ouilhon animateur du FIEP.
C'est en 1975, nous rapelle Jérome Ouilhon, que le FIEP a mis en place un système d'indemnisation, puis en 1983, un système de compensation à la présence de l'ours englobant les héliportages et la distribution de radiotéléphones. Le fromage PéDescaous constitue dans l'éthique de sa démarche agro environnementale la troisième voie d'action du FIEP pour sensibiliser le public à la cause ursine. L'article se finit par la constataion qu'il ne reste plus que deux ours mâles, Néré et Cannelito, fils de Cannelle, dans les Pyrénées Occidentales. Et le rappel qu'en 2012, il n'y a eu que trois cas de prédation avérés. (Je précise que ce sont trois cas recensés sur les quatre -vingt mille brebis, les vingt-deux mille bovins, les trois mille six cent juments et les deux mille cinq cent chèvres qui investissent les estives béarnaises. Chiffres auxquels il faut rajouter trois mille ruches).
(synthèse d'un article de la République des Pyrénées du 09/02/2013, signé Philippe Delvallée)
Rappellons que c'est au début des années 80 que le FIEP a mis en place les héliportages, qui ont été ensuite relayés par le Parc National des Pyrénées et pour finir repris par l'IPHB à sa création en 1994. Rappelons également que les radiotéléphones fournis par le FIEP ainsi que l'entretien de l'émetteur du relais du Tuquet en Aspe sont toujours d'actualité et absolument nécessaires au pastoralisme pour couvrir les zones blanches où le portable ne passe pas. L'isolement étant le pire ennemi du berger. Tout ça, ainsi que la réfection de nombreuses cabanes, a pu être initialement réalisé avec l'argent de l'ours. Il y a aujourd'hui 150 cabanes habitées dans les estives béarnaises et une quarantaine de cayolars en Soule.
En Béarn, ces travaux sont réalisés à 80% par les fonds publics (Europe, Etat, Région). On comprend mieux ainsi que l'Europe et le Gouvernement en vertu des sommes dépensées ont légitiment leur mot à dire sur la réintroduction de l'ours en Béarn et la cohabitation ! A ce titre le commentaire final qui accompagne l'article intitulé "Le nouveau pastoralisme en Béarn et Soule" par Laurent Vissuzaine paru dans le numéro mensuel de Janvier 2013 du magazine "Pyrénées" est fort éloquent :
"Alors qu'en 1996, les aides allouées par l'Etat au développement du pastoralisme étaient liées au maintien de la population ursine dans les Pyrénées, ce lien n'existe plus. Une forme de victoire pour les opposants à la réintroduction même si des séquelles de cette période subsistent: il n'est que de voir les difficultés qu'a l'IPHB aujourd'hui encore à obtenir les financements annuels alloués par l'Etat. Pour autant les aides au pastoralisme devraient se poursuivre quel que soit le destin de l'ours. Mais, dans les estives, nombreux sont les bergers, qui à mot couverts, concèdent que si leurs cabanes sont aujourd'hui aux normes, c'est aussi grâce à l'ours."
Chacun appréciera ce commentaire à la fois plein de reconnaissance et d'ingratitude pour le "Va-nu-pied" à l'heure où le pastoralisme béarnais est en plein renouveau et affiche une croissance sensible des vocations pour un métier certes dur mais qui offre un choix de vie où domine grâce à la nature (à laquelle appartient l'ours) un immense sentiment de liberté. "Rien qu'en Béarn, pas moins de deux cents bergers perpétuent une tradition multiséculaire que beaucoup voyaient condamnée à mort il y a vingt ans. (L. Vissuzaine) ". Le pastoralisme n'est plus vraiment en crise en Béarn et il est clair par ailleurs, comme on vient de le voir, que socialement, le plantigrade a initialement joué un rôle indéniable dans le renouveau du pastoralisme béarnais et dans l'amélioration des conditions de vie du berger. Dans ce renouveau le pastoralisme béarnais n'a pas le droit d'éradiquer de son territoire la présence d'un animal symbolique appartennant au patrimoine naturel pyrénéen.
L' Etat Français n'a pas le droit non plus de se prêter à cette honteuse élimination programmée en prenant des prétextes farfelus de sécheresse ou de soi-disant étude de la biodiversité dont on ne sait encore vraiment quel est le but et qui fait perdre un temps précieux à la survie du plantigrade.
Pourquoi ne réactualiserait-on pas, dans l'intérêt de cette nature et à l'aune des subventions, un nouveau pacte, une nouvelle éthique de cohabitation entre l'homme et l'ours telle que l'a définie le programme Pé Descaous qui est au coeur de cette actualité?
Pé Descaous
Pé Descaous, ce nom fut donné au plantigrade par la tradition orale béarnaise à travers la légende de "Petit-Jean de l'ours".
S’il est vrai qu'un produit ne vaut que par les liens qui l'unissent à celui qui le fait alors Pé Descaous est unique. "Pé Descaous " est le fromage fermier des Pyrénées fabriqué par les bergers dans les montagnes béarnaises fréquentées par l'ours. Ce nom signifie "Va-nu-pieds". Cette histoire, son histoire, est un peu la nôtre. Elle illustre la naissance d'une vocation, d'une raison de vivre, la raison de l'attachement viscéral qui nous unit à la montagne béarnaise: notre métier de berger. "Petit-Jean de l'ours", c'est tout à la fois l'ascendance et la descendance : nos grands-pères et nos petits fils. C'est la transmission d'un savoir faire, d'une culture, d'un patrimoine, d'un mode de vie.
Jean avait douze ans lorsqu'il passa pour la première fois l'été à la cabane, en haut avec son grand-père. Un jour qu'ils avaient beaucoup travaillé, celui-ci voulut récompenser Jean en lui révélant certains de ses secrets de vieux berger. Après être allés observer des isards, et alors qu'ils descendaient côte à côte, Petit-Jean, déjà très excité, découvrit une empreinte de pied nu. Au sourire de son grand-père, il comprit que cette trace avait été laissée par celui qui habitait ses rêves et illuminait les récits de bergers: l'ours. Il le baptisa "Pé Descaous", celui qui va nu-pieds et décida que lui aussi vivrait là-haut entre les Pics d'Ossau et d'Anie, en faisant le plus beau métier du monde: il serait berger."
(Extrait du livret intitulé " Pé Descaous, La marque des bergers, l'empreinte de l'ours " distribué gratuitement par le FIEP et les bergers producteurs de fromage Pé Descaous).
Est-ce cette légende, ce pacte avec la nature cette cohabitation exemplaire entre l'ours et le berger que le Ministère veut condamner en faisant disparaître l'animal du Béarn ? Me Batho a t-elle vraiment à coeur de condamner ce patrimoine naturel, culturel et socia l? Pourquoi ne pas envoyer alors une tome de cet excellent fromage, avec sa charte éthique et sa patte d'ours, à Me Batho pour bien lui faire comprendre une dernière fois l'urgence qu'il y a à sauver le Va-nu-pieds dans ces montagnes béarnaises, et rendre enfin à l'ours ce qui lui appartient ?
Cahier des charges du fromage Pé-Descaous
- Pas d'ensillage dans l'alimentation des animaux, seulement du fourrage sec et des céréales l'hiver, et de l'herbe des estives durant la belle saison.
- Les fromages, uniquement au lait cru, sont affinés pendant quatre mois.
- La fabrication du fromage est journalière et aucun autre adjuvant que la présure et le sel ne sont autorisés.
- es brebis doivent être issues de races locale . Le prix de cet excellent fromage à la fois bio et éthique auquel l'imagination et le mystère de l'ours confèrent des saveurs uniques et inimitables varie entre 18 et 21 euros/kilo.
Commentaire
Le programme Pé Descaous en Béarn est né en 1995, juste à la veille du premier lâcher dans les Pyrénées Centrales. Combien y avait-il d' ours en Béarn en 1995, combien en reste t-il aujourd'hui?
Les premières actions du FIEP, début des indemnisations des dégâts d'ours, héliportages, radiotéléphones auxquels il faut rajouter toute une campagne pédagogique assidue pour assurer la patrimonialisation de l'ours datent de 1975. Combien d'ours en Béarn en 1975, combien en reste t-il aujourd'hui ?
Mais que se passe t-il donc en Béarn ? Pourquoi cet échec patent alors que les initiatives remarquables du FIEP et ses bonnes intentions pour sauver l'ours ne peuvent pas être mises en cause. Qui préside à cet acharnement à vouloir détruire l'ours en Béarn depuis tout ce temps passé?
Qui donc traque sans répit le plantigrade de souche Pyrénéenne jusque dans les gènes de Cannelito? Gènes qui appartiennent à la mémoire vivante de ce massif. Qui donc a intérêt à l'éradication totale et définitive de cette souche pour s'en servir comme argument afin de réfuter demain la présence de l'ours slovène et la cohabitation? Qui donc et pourquoi? Quel est le motif de cet acharnement impitoyable à vouloir en Béarn tuer l'ours jusqu'au dernier, de ce haro auquel le Gouvernement ose aujourd'hui rajouter sa voix?
Faut-il voir dans ce constat tragique la poursuite de la politique perverse de l'IPHB de M. Lassalle soutenue par les élus locaux et encouragée par l'indifférence notoire de beaucoup de ceux qui seraient pourtant censés défendre la biodiversité et le destin de l'ours en France? Comment se fait-il que nos gouvernements successifs abondent en ce sens et renient impunément la parole et les engagements internationaux de la France? Comment se fait-il qu'aujourd'hui des subventions initialement prévues pour être versées au nom de l'ours par l' Europe et la France au pastoralisme ont été sournoisement détournées de leur mission première et n'apportent plus rien en échange, sinon pire, à la survie du plantigrade? Comment se fait -il, depuis tout ce temps passé, que ni Cannelle ni Franska n'aient encore été remplacées malgré la parole donnée par l'Etat?
Comment se fait-il que l'originalité de cet excellent programme Pé Descaou, de ce label d'exception capable de promouvoir la cohabitation n'ait pas été repris par le Gouvernement et étendu à toute la chaîne Pyrénéenne afin d'encourager et d' inciter les différents acteurs à une pratique plus éthique et valorisante du pastoralisme et de l'artisanat de montagne? Beaucoup trop de réponses restent en suspend dont l'avenir de l'ours à très court terme dépend.
Ce programme Pé Descaous ainsi que tout le travail effectué par le FIEP depuis 1975 sont la preuve absolue que le plantigrade a une base solide d'acceptation culturelle, historique et sociale en Béarn. Le résultat d'il y a deux ans lors de la consultation publique favorable au renforcement d'une femelle est en ce sens une pierre de plus apportée au moulin.
Le FIEP doit s'appuyer sur son travail de cohabitation pour convaincre Me Batho. Et peut-être aussi (si ce n'est déjà fait?) essayer d'aller faire de la pédagogie sur les relation entre l'ours et le pastoralisme au lycée des bergers de Soeix où des jeunes motivés par le métier et épris de nature et de liberté, sans à priori forcément négatif envers le plantigrade, arrivent de tous les horizons de France.
Il serait impensable et incohérent que Me la Ministre ne tienne pas compte du témoignage des bergers éleveurs du label Pé Descaous qui prouvent de façon éloquente par un engagement éthique et économiquement viable que l'ours et le berger peuvent encore vivre ensemble en Haut-Béarn. Que c'est possible, que les moyens de la cohabitation existent dès lors qu'il y a une bonne volonté pour en faire l'effort et que l'Etat encourage plus que les autres tous ceux qui ont décidé pour l'Environnement et par conviction de faire cet effort qui préserve un patrimoine naturel emblématique et millénaire.
Comme l'exprime Maxime Bajas représentant de la nouvelle et jeune génération, originaire de Lyon et formé à l'école des bergers, dans l'article de L.Vissuzaine: "Je garde plusieurs troupeaux l'été et j'ai cent brebis à moi qui me permettent de vivre. Je vis bien, mais je fais tout moi-même, y compris la commercialisation. C'est en valorisant nos produits qu'on s'en sortira". Voilà l'important: valoriser ses produits!
Alors que le souci du pastoralisme est, comme nous le dit Maxime Bajas, une meilleure valorisation des produits de la montagne, avec le label Pé Descaous cette ambition devient une réalité et une évidence qui s'amplifie: l'ours fait bien vendre le fromage! (Pour mémoire Maxime Bajas est adhérent au programme du label Pé Descaous).
Et tant qu'il y aura des ours en Béarn, du fait de son éthique, le meilleur des fromages qui soient restera le Pé Descaous!
Toutes les infos pour rencontrer les bergers-éleveurs du programme Pé Descaous et pour éventuellement commander par correspondance cet excellent fromage.
A lire le Bulletin Pyrénéen "Pyrénées" N° 253 /01/2013 où vous trouverez l'aricle de L. Vissuzaine qui nous donne toutes les preuves et les chiffres du renouveau du pastoralisme en Béarn et Soule. Revue Pyrénées BP 204 64002 Pau Cedex.
Christian Bacqué