Il y a quelques mois encore, le phénomène "big data" pouvait sembler être une mode passagère, à laquelle seules quelques institutions financières un peu aventurières accordaient du crédit. Aujourd'hui, il faut se rendre à l'évidence : les plus grands établissements investissent dans ces technologies, qui présagent de grandes transformations...
Un petit rappel pour commencer : ce qu'on nomme "big data" est un concept (un peu flou) qui décrit la capacité désormais accessible aux entreprises d'analyser de gigantesques volumes de données et d'information, sous des formes diverses et hétérogènes (structurées ou non), en temps réel ou presque. Dans le secteur financier, ces possibilités sont mises à profit pour, par exemple, améliorer la gestion des risques ou affiner les ciblages marketing.
Un billet publié sur le blog du Wall Street Journal illustre ces opportunités avec les initiatives des 4 principales banques américaines et je complèterai ce panorama avec une récente annonce de MasterCard, qui confirme les mêmes tendances.
Bank of America est vraisemblablement la moins avancée des 4, puisque l'application présentée pour caractériser ses efforts en matière de "big data" semble finalement assez proche d'une solution décisionnelle relativement classique : l'étude détaillée des informations disponibles a permis à la banque de mieux comprendre les raisons de l'insatisfaction des clients vis-à-vis de ses services en ligne.
Or, même dans ce cas presque élémentaire, les techniques traditionnelles d'analyse sont enrichies puisque, outre le suivi de la navigation des internautes sur le site en cause, d'autres sources de données, telles que des retranscriptions de conversations dans les centres d'appel, ont été exploitées.
Pour Wells Fargo, le sujet est largement du domaine de la prospective. Les réflexions sont aujourd'hui orientées autour de l'évaluation du risque de crédit, qui pourrait devenir beaucoup plus précise si les banques étaient capables de combiner toutes les données dont elles disposent sur leurs clients, dans leurs systèmes informatiques comme à l'extérieur.
Un problème présent dans quasiment toutes les institutions financières de la terre est en effet l'existence de silos dans les différents métiers, qui fait que les informations existantes sont éclatées dans des îlots isolés les uns des autres. Une des applications envisagées pour les technologies "big data" est justement de tenter de fédérer ces sources hétérogènes, afin d'en dégager une vue globale des clients (la fameuse "vision à 360°). Il sera toujours temps, ensuite, d'introduire des données externes...
L'enjeu est extrêmement important dans un contexte où les revenus des banques sont sous pression : la capacité à mieux mesurer le niveau de risque de chaque opération est un excellent moyen d'améliorer les résultats.
A plus long terme, Wells Fargo se projette déjà au-delà de cette première étape. Un de ses dirigeants évoque notamment l'émergence de l'analyse comportementale des clients. Les données disponibles permettent dès maintenant d'identifier les habitudes des consommateurs (celui qui dîne régulièrement au restaurant, celle qui préfère attendre les soldes pour renouveler sa garde-robe...). Une connaissance qui permettra bientôt de concevoir un marketing individualisé, bien plus percutant.
Du côté de JPMorgan Chase, les "big data" constituent d'ores et déjà une source de revenu (indirecte). En combinant la masse d'information qu'elle collecte sur les transactions de ses clients avec les statistiques économiques publiées par le gouvernement, elle produit des rapports particulièrement riche à destination des grandes entreprises.
Par rapport à des approches plus classiques, l'exploitation des quelques 1,5 milliards de points de mesure dont elle dispose grâce à son activité dans les cartes de crédit lui permet de détecter les tendances parmi les consommateurs avec un niveau de granularité inégalé, découpant la population en groupes de plus en plus petits et homogènes. Cerise sur le gâteau, ces rapports personnalisés peuvent être générés en quelques minutes !
Dans le cas de Citi, la logique retenue est assez similaire, mais la mise en œuvre est différente, puisque la banque expérimente la commercialisation directe de ses données, agrégées et anonymisées, laissant ainsi à ses clients le soin de réaliser les analyses, à leur convenance et en fonction de leurs besoins précis.
L'article cite le cas d'un fabricant de vêtements espagnol (Zara ?) qui utilise déjà cette offre pour déterminer les tendances en matière de flux de vente et en déduit les localisations optimales pour ses ateliers et ses boutiques.
Enfin, MasterCard s'engage dans la même voie, via l'annonce de son partenariat (doublé d'une prise de participation) avec Mu Sigma, une société spécialisée dans le secteur des "big data", qui vient renforcer son offre "Advisors".
Cette dernière est une entité de services dont la proposition est de délivrer à ses clients, en temps réel, des données agrégées et des analyses détaillées sur les transactions du commerce de détail. En venant enrichir cette première brique d'une expertise reconnue, l'accord qui vient d'être conclu démontre clairement le potentiel de ce marché et l'importance que lui accorde MasterCard.
Jusqu'à maintenant, évoquer le concept "big data" dans une banque pouvait prêter à sourire (j'en ai fait l'expérience !). Ces exemples prouveront, j'espère, que le sujet doit maintenant être pris au sérieux, d'autant qu'il peut permettre aux DSI de répondre pro-activement à des attentes, plus ou moins formellement exprimées, des directions du marketing, des risques...