Dans un billet synthétique sur l'euro, j'avais montré à quelle impasse aboutissait, pour les pays qui l'ont adopté, la rigidité des taux de change : une perte colossale de compétitivité.
Pour la réduire, là où autrefois on dévaluait, on doit aujourd'hui baisser les prix en baissant les salaires.
Vous n'avez pas entendu François Hollande en parler pendant la campagne électorale ?
Il était probablement occupé à combattre la finance.
Mais aujourd'hui ceux qui n'ont pas besoin d'être élus mais qui savent compter se rappellent à notre bon souvenir : Goldman Sachs vient d'inviter la France à réduire ses salaires de 33%.
Il faut ça en effet pour compenser la surévaluation de l'euro, et dans les pays du sud il faudra deux fois ça : une fois pour compenser la surévaluation de l'euro, une autre pour compenser les écarts de compétitivité internes à la zone euro.
Il faut s'appeler Goldman Sachs pour pouvoir écrire cela sans craindre les électeurs.
Notre bon gouvernement a, lui, des échéances électorales, et ne peut claironner que c'est en effet dans ce cadre général qu'il lui faut travailler.
Nous n'aurons donc pas de baisse des salaires de 33%, mais une lente diminution du pouvoir d'achat de tous les revenus.
Par exemple, nous dit Le Monde, le gouvernement trouve que les retraités vont devoir payer. Un autre papier du Monde nous apprend que "L'objectif est de rassurer Bruxelles et les marchés financiers".
Une dévaluation suffirait à faire rentrer des revenus et à renflouer nombre de caisses, publiques, privées et parapubliques.
Mais les minauderies ministérielles puis présidentielles françaises, qui ont visé à élever timidement la voix pour affirmer que peut-être l'euro était-il un chouia trop fort, n'ont reçu aucun écho.
Il faut dire que dès janvier les irlandais trouvaient déjà que M. Draghi, ex Goldman Sachs, en faisait beaucoup pour faire monter l'euro.
Peu importe, le porte parole de Mme Merkel a répondu à notre président que l'euro était "proche de sa valeur de long terme". Une bonne baffe et ça repart.
Et pour enfoncer le clou, un membre du directoire de la BCE vient de rappeler à la France son devoir de respecter la règle des 3%.
La France ne doit pas bouger, mais bien subir sa crise de très forte austérité sans bouger, jamais.
En fait, ce sont les grands qui vont s'occuper des taux de change.
Le patron de l'eurogroupe, qui a été préféré à notre Moscovici, a expliqué que les taux de change ça se discutait au G20.
Ca tombe bien, les USA viennent de dire qu'ils allaient profiter du G20 pour parler changes.
Moscovici pourra triompher en affirmant qu'on aura parlé taux de change au G20. en réalité, le seul taux de change qui sera discuté au G20 sera celui du yen, qui gêne les américains et un peu les allemands, car la baisse du yen obtient déjà des résultats spectaculaires en rétablissant les comptes de Toyota (heureusement, en France, nous n'avons pas de constructeur automobile qui aurait besoin d'une dévaluation pour rétablir ses comptes, on nous en aurait parlé).
Quand on suit ce qui se passe au jour le jour, qu'on le met en perspective, on ne peut pas ne pas voir que :
1. L'europe est un carcan bien pratique pour ses états-membres, sauf pour l'Allemagne et les Pays-Bas ;
2. Ce carcan est très pratique pour les USA (sans quoi certains états européens se soucieraient plus de la parité de leur monnaie avec le dollar) ;
3. en restant dans ce système, on ne peut qu'assister au lent déclin d'un pays qui a été une grande puissance industrielle.
4. tout cela dans le plus parfait silence du gouvernement, qui doit masquer l'ampleur de la farce grotesque dont nous sommes les dindons.