Une pierreuse* devenue une immense vedette : EUGENIE BUFFET.

Par Bernard Vassor

Par Bernard Vassor

Eugénie est née à Tlemcen (Algérie) en 1866. Orpheline de père à l’âge de six ans, elle fut placée dans une institution religieuse à Oran. D'après ses "Mémoires*", écrits par un journaliste Maurice Hamel, elle fut violée par un de ses cousins,

 
ce qui la conduisit à éprouver une certaine aversion pour les hommes. Par cette hagiographie,  je suis frappé de la coïncidence avec la fausse biographie de Billie Hollyday,(rédigée elle aussi par un journaliste sur son lit d'hôpital) où tous les mêmes clichés sont usés jusqu'à la corde!!!

Néanmoins reprenons quelques faits avoués et revendiqués par la chanteuse : Très jeune elle prit le bateau pour Marseille, où pour vivre, elle chantait dans les rues, les guinguettes, et dans "des bars louches". Elle eut l'occasion d'aller écouter la chanteuse Amiati, célèbre à l'époque. Son répertoire patriotard et revanchard reçut un 

écho favorable dans tout le pays. Elle fit la connaissance de Séverine, l'héritière spirituelle de Jules Vallès, qui la conseilla utilement. Elle avait été enrôlée en 1889 dans la "Ligue des Patriotes" par Edmond Archdéacon, le prédécesseur de Barrès, Drumont, Lemaitre, Gyp, comtesse de Martel de Janville, petite nièce de Mirabeau, suivait, elle aussi, avec frénésie, le mouvement ; elle collait des «A bas les Juifs» partout où elle pouvait... elle était insatiable et très convaincue. Eugénie ajoute :

Parmi les rencontres qui ont marqué sa carrière, Thérésa* fut un modèle pour Eugénie. Thérésa qui venait souvent l'écouter dans ses récitals et réciproquement. Courteline était souvent de la partie dans les réunions qu'organisait Emma Valladon de son nom véritable, de trente ans l'ainée d'Eugénie qui s'était spécialisée dans le tylorianisme.. Ses cachets à ses débuts étaient énormes.

Eugénie Buffet fit la connaissance de Léopold Stevens, (le fils d'Alfred) qui l'aida (financièrement) à décorer le premier cabaret qu'elle mit sur pied : A l'Enseigne de la Pomme de Pin. Elle s'y investit à fond, engageant des chanteurs et donnant elle-même plusieurs tours de chant par jour. Epuisée, elle s'offrit avec Léopold un voyage en Espagne où elle retrouva ses relations mondaines du passé. Revenue à Paris,  la Pomme de Pin liquidée, elle fonda au 75 boulevard de Clichy le cabaret "La Purée" :"Je fondai, sur des bases nouvelles, un nouveau cabaret, en plein Montmartre, boulevard de Clichy, sous le nom de Cabaret de La Purée. J'avais, pour mon spectacle d'ouverture, réuni les noms de : Philippe Garnier, Louis Marsolleau, Vincent Hyspa, Delphin, Marcel Legay, Émile Ronn, Léo Daniderff, Victor Tourtal et la grande artiste Louise France".(...)J'engageai de nouveaux artistes et de nouveaux chansonniers, Xavier-Privas, Francine Lorée, Pons-Arlès, Claude de Sivry (Charles le beau-frère de Verlaine sans doute ?), les Ducreux-Giralduc, et j'organisai, en outre, des matinées  classiques"  

Ce cabaret eut la même existence éphémère que la Pomme de Pin. La  porte de la Purée à peine fermée, Eugénie engagea ses économies (et celles de Stevens) dans  le cabaret de la Nouvelle Athènes place Pigalle, qui avait vu défiler tant d'artistes  peintres, écrivains, musiciens, tous d'avant-garde. Au cabaret, elle avait  ajouté un restaurant, faisant revivre cet endroit qui pour de mystérieuses raisons, était passé de mode. Ce fut un véritable gouffre financier qui laissa Léopold  exsangue, Eugénie au bord de la faillite, bref, un fiasco complet. ...........................................................................................................................................................................................................................

*Maurice Hamel, «Ma vie, Mes amours, mes aventures» ou «Confidences recueillies par »  Eugène Figuière, éditeur, à Paris, 1930.

***Il me faut ajouter avant de terminer cet article, si je ne veux pas m'attirer les foudres de notre ami Jean Darnel, les louanges de Victor Marguerite, de Maurice Donnay, de Georges Cain, et je passe sous silence les marquis, les comtes, les ducs de tous poils.

Vous pouvez LIRE ET écouter sur le superbe site : Du Temps des cerises aux Feuilles mortes

Et aussi la chanson de Bruant : A Saint-Lazare

Après avoir été entretenue et mise dans ses meubles  par des comtes, des princes des barons et même des marquis, elle rencontra Aristide Bruant qui fut à l'origine du lancement de la carrière de chanteuse d'Eugénie lorsque il la fit chanter au Mirliton du 84 boulevard de Rochechouart et il la recommanda à Nunès et Flateau les propriétaires de "La Cigalle"qui l'engagèrent sur le champ.

Un passage de ses "Mémoires" signale qu'elle était allée confier ses projets au critique Henri Bauer

(fils naturel d'Alexandre Dumas) Elle lui donna ces qualificatifs parfaitement imbéciles :

"Ce critique adipeux et pachidermique n'était qu'un pontifiant imbécile"

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Le terme de "pierreuse" m'a été révélé la semaine dernière par une éminente universitaire, mais, mon éducation religieuse et ma pudibonderie légendaire m'interdisent d'en donner la signification.....

mise à jour le11/02/2013