Une lectrice pyrénéenne que j'avais rencontré dans une "colossale" fête où Jean Lassalle et Didier Hervé serraient des mains au nom de l'IPHB me fait parvenir un article de juillet 2012 qui m'avait échappé. Il y est question de viande avariée et de Spanghero, sujets à la une de l'actualité depuis hier...
Viande de cheval
Lassalle, candidat de la ruralité. Au menu, viande avariée ou importée
Par Ela Fayner, Rue 89, 07/06/2012
« Je défends la ruralité, confrontée aux défis de la mondialisation. Avec ses petites exploitations, ses petites entreprises artisanales, où l’on produit autant de biens que l’on fabrique d’amour ! »
jean Lassalle aime à le rappeler, il est fils de berger. Son frère et sa mère vivent toujours dans la ferme familiale et la simplicité. Fier de son béarnais, le centriste l’a chanté, en pleine séance, à l’Assemblée, pour protester contre la suppression d’une gendarmerie dans ses Pyrénées. Quand il s’est agi de conserver une entreprise de 150 salariés, il a cessé de s’alimenter.
Le « président de l’Association des peuples de montagne du monde » vient de réussir un nouveau « joli coup », commente la presse locale. Candidat à un troisième mandat dans la quatrième circonscription des Pyrénées-Atlantiques, le centriste a choisi pour suppléant un magnat de l’agroalimentaire. Qui défend une certaine idée de la ruralité.
Foie gras et steak haché pour 610 millions d’euros
Barthélémy Aguerre a débuté dans un champ de maïs semence. Vice-président de la coopérative Lur Berri depuis 1980, il s’est associé à un leader mondial, Pioneer, pour planter jusqu’à 3.000 hectares de la marque et l’exporter un peu partout en Europe.
Une réussite : le chiffre d’affaires s’est envolé pour atteindre 610 millions d’euros fin 2011, selon le site de ce qui est devenu un groupe. Aux épis de maïs se sont ajoutés viandes et plats cuisinés, avec deux filiales dont Barthélémy Aguerre a pris la direction, Arcadie Sud-Ouest et Spanghero. C’est ainsi que les abattoirs sont devenus son métier.
Betteraves au Maroc
Le suppléant de jean Lassalle emploie 1.600 salariés dans la région... ce que ne manque pas de rappeler Jean Lassalle à chaque déplacement de sa tournée électorale.
Seuls 70 de ces emplois se trouvent pourtant dans la circonscription, entre Pays basque et Béarn. Les autres se répartissent jusqu’au centre de la France. Quand Lur Berri s’étend jusqu’à la Grande-Bretagne, la Belgique ou l’Espagne.
Barthélémy Aguerre voit plus loin encore. Il a possédé durant douze ans des terres en Argentine. Aujourd’hui, son fils a pris le relais, confie-t-il avec fierté : il cultive pour lui des betteraves au Maroc.
L’homme d’affaires n’hésite pas non plus à importer : 60% de la viande commercialisée dans le département vient d’Allemagne et de Pologne, d’après Le Journal du Pays basque.
Maïs bradé en France
Lur Berri fait quand même travailler localement. Avec une méthode : tirer sur les prix, vers le bas. A tel point que les 200 cultivateurs de maïs semence ont menacé en 2007 de cesser la production.
Aujourd’hui, c’est au tour des salariés de la coopérative. Une cinquantaine d’entre eux se sont invités, mercredi 30 mai, à une réunion organisée par le candidat et son suppléant. Lassalle a d’abord cru à un miracle : « Je pensais que nous avions un franc succès ici. Pas du tout. Ils venaient engueuler Barthélémy. Ils l’ont même traité de menteur. Or, il a beaucoup de défauts, mais pas celui-là. »
Les salariés dénonçaient « la politique sociale déplorable qui règne à Lur Berri » :
o des salaires bas (moins de 1 300 euros net pour plus de la moitié du personnel) ;
o des heures supplémentaires non payées ;
o et 6 000 euros de participation non versés à chaque salarié, selon leur communiqué de presse.
L’intéressé a répondu (une vidéo de Lassalle où déclare faire "un tabac" sur les réseaux sociaux) ce soir-là qu’il n’avait pas de pouvoir à Lur Berri dans le domaine. Il assure par ailleurs « faire du social » chez Arcadie : « Mon jeune DRH m’a donné une liste de 51 salariés qu’il vaudrait mieux payer à rester chez eux. Ils ne travaillent pas et ils perturbent les autres. Mais on les garde. »
Produits fermiers ?
Quand il arrive à Arhansus, le cinquième des huit villages à visiter dans la journée, Barthélémy Aguerre est attendu par un homme en chemise à carreaux, chaussures de rando et fines lunettes sous son plat béret. Il produit du fromage de brebis et du cidre. Il reproche aux entreprises liées à l’homme d’affaires d’asphyxier les petits agriculteurs avec ses prix bas.
Le suppléant connaît la critique. Il s’en lasse, confie-t-il, sans se laisser effleurer par le doute : « Il y a deux agricultures : la mienne, productiviste, sur des circuits longs, pour les endroits où, malheureusement, il y a plus de terres que d’agriculteurs ; et l’agriculture en montagne, sur des circuits courts et en vente directe, qu’il faut encourager aussi. Il ne faut pas opposer les deux. »
Le fermier reste impassible, pour tenter un autre abordage. Barthélémy Aguerre est également conseiller général. Or, le conseil général octroie des aides :
« Je viens d’en demander pour réaménager les landes et capter l’eau. Refusées. Alors qu’un exploitant comme Kukulu, qui possède des milliers de brebis, élevées hors sol, vous le soutenez. Il inonde les petits commerces, prétend que ses produits sont fermiers comme les nôtres – ce qui est faux –, les vend moins cher et prend les plus gros marchés.
– Kukulu, c’est un petit artisan. Je ne peux pas dire non.
- Mais c’est un modèle qui porte atteinte à toute une économie à échelle humaine ! »
Depuis 1998, la circonscription a vu 3 000 actifs agricoles et plus de 2 000 exploitations disparaître, selon les chiffres des recensements agricoles compilés. Tandis que la surface de terres utilisées et la taille des cheptels ont augmenté.
Viande avariée
Un tel choix économique favorise-t-il au moins la qualité des produits ? Pas certain. En 2008, Arcadie a été mise en examen pour « tromperie sur les qualités substantielles et sur l’origine d’un produit, tromperies aggravées sur les risques pour la santé humaine » et « mise en vente de denrées corrompues ». De grandes quantités de viande avariée avaient été découvertes en 2006 dans une usine de Cholet.
Source : Rue89