Le film de potes. Le cinéma français a toujours aimé explorer ce genre, de Claude Sautet hier aux Esposito ou Canet aujourd’hui. La bande d’amis de Stephan Archinard et François Prévôt-Leygonie, elle, est issue de leur pièce de théâtre ; un trio composé de Walter (Gérard Lanvin), patron de restau, Paul (Jean-Hugues Anglade) écrivain en panne d’inspiration et Jacques (Wladimir Yordanoff), propriétaire gaucho d’une librairie. Une amitié à la vie à la mort cultivée par Walter le leader, lumière passionnée et égocentrique autour de laquelle gravitent tous les seconds rôles (du film, et de sa vie) : sa fille Clémence (Ana Girardot, vue dans la série Les Revenants), son ex-femme (Zabou Breitman, toujours aussi parfaite), ses potes. Le mec a un cœur énorme, une sincérité exacerbée, érigée en bandoulière, des principes trop tranchés, bien vite bandeaux aveuglants qui poussent tout son entourage à lui mentir. Le réel, il ne pourrait le supporter : des mensonges sur des années, des choses qu’il ignore, et par-dessus tout, une relation cachée et vécue dans le secret entre sa fille chérie et son vieux pote de toujours. Malgré un rôle principal bien creusé- du sur mesure qui permet à Lanvin d’offrir une composition crédible et de prendre de la distance avec le matériau théâtral de base- et un sympathique fil rouge (la volonté des protagonistes de lui déballer tout le pot au rose), Amitiés sincères ne peut s'empêcher de s'empêtrer dans un peu palpitant portrait de groupe.
Peut-on tout se dire en amitié ? Toute vérité est-elle bonne à avouer ? Est-il éthique de mentir à l’autre pour à la fois le protéger et ne pas le perdre ? De bonnes questions en postulat de base pour un film finalement pas très folichon qui abuse des clichés canoniques (sur la politique, l’homosexualité, l’argent, le travail d’écrivain), et qui réitère la fâcheuse manie qu’a le cinéma français contemporain d’édulcorer le réel à coup de bons sentiments. Amitiés sincères, au final, possède les mêmes défauts que Le Cœur des hommes ou Les Petits Mouchoirs : des personnages sur-écrits, qui viennent saccager tout réalisme et instantanés de cinéma. Stephan Archinard et François Prévôt-Leygonie, dans la volonté grossière de venir contenter tout le monde (surtout la ménagère de cinquante ans à vrai dire), zappent tout désir d’aborder le propos et l’étude de caractère sous un angle neuf, stimulant ou osé. Les réponses aux problèmes complexes mis en jeu sont alors simplifiées à l’extrême, du pré mâché à l’image de toutes les séquences du film, apposées les unes aux autres sans véritable ambition. Le résultat, étrangement, ne ressemble ni au cinéma ni à la vraie vie.