Parfois, avec un peu de conviction, quelqu'un arrive à me mettre entre les mains un livre que je n'aurai pas ouvert de mon propre chef. Et je serai passée à côté de quelque chose de beau et touchant. L'écriture de Virginia Woolf m'a surprise et son originalité a effacé mes réticences sur l'aspect classique de son style (je n'aime pas la période classique, tout Arts confondus).
Un classique moderne incontournable pour les lecteurs avisés
Outre l'écriture, novatrice et résolument moderne pour l'époque, la structure du roman est également très bien pensée. Dubitative sur certains passages, certains personnages et surtout certains événements, j'ai compris, une fois le roman achevé, toute la virtuosité de la construction. Si chaque point de vue est comme une scène miniature d'introspection, ce qui s'en dégage est résolument centré sur Clarissa, Sally - une amie de sa jeunesse qu'elle ne côtoie plus - et Peter, son amoureux éconduit de la même époque. Virginia Woolf effectue non seulement des sauts entres les personnages mais elle fait aussi des sauts dans le temps, entre un présent débordé par les préparatifs et les soucis du quotidien, et le passé, chargé des souvenirs d'une jeunesse dorée, pas aussi lisse et heureuse qu'on pourrait croire.
Femmes de caractères
Le personnage de Clarissa, égoïste, arrogante, pourrait rebuter. Pourtant, on la connaît de l'intérieur, on comprend ses choix, et surtout la pression sociale et la difficulté même de manoeuvrer dans un monde et une époque, où née femme, certaines possibilités lui était retirée de part son genre. Jamais on ne tombe dans le pathos, au contraire. Malgré le choix d'une narration subjective, Virginia Woolf réussit à conserver une distance dans son ton et une impression de clareté, de netteté se dégage peu à peu. On connait Clarissa. On comprend ses tourments, ses dénis, mais aussi ses choix.
Virginia Woolf est, à mon avis, aux antipodes de Jane Austen, une autre écrivain anglaise très célèbre. Si j'apprécie cette dernière - c'est mon côté fleur bleue - son écriture n'a rien de révolutionnaire et son regard reste celui d'une femme de la classe supérieure. Même confrontée à la pauvreté ou à des désirs d'émancipation, ses personnages arrivent à s'épanouir et à trouver amour et bonheur. De plus, elle les décrit dans leur jeunesse. Virginia Woolf, elle, dans Mrs Dalloway prend un protagoniste dont la jeunesse est dernière. Il n'y pas de grand projet, pas de grande aspiration. Juste la fièvre presque compulsive d'être une maîtresse de maison parfaite. De la nostalgie, du regret, un constat froid et objectif sur une existence qui pourrait sembler parfaite, de l'extérieur, mais qui en final ressemble a un gigantesque gâchis, à un sabotage amoureux. Un roman qui ne m'a pas laissé indemne.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Mrs._Dalloway
Copyright : Marianne Ciaudo