Besoin de soleil ? Pourquoi ne pas se laisser tenter par les rythmes festifs du flamenco ? Le trio du musicien brestois d'origine espagnole, Juanito Fuentes, accompagnera, pour la toute première fois, samedi, à Guilers, la danseuse Isabel Pemartin. La soirée s'annonce chaude...
(Photo : Studio Moustique, Plougastel-Daoulas)
Yann Fuentes, quels liens vous rattachent à l'Espagne ?
Si je suis né à Brest, ma famille est originaire de Santander. Mes grands-parents sont arrivés en Bretagne avec mes parents sous le régime de Franco. Je suis issu d'une famille qui compte beaucoup de musiciens espagnols, et même cubains.
Vous avez commencé la musique assez jeune ?
J'ai fait ma première scène à l'âge de 10 ans avec mon père, Antonio Fuentes, qui a été président du Cercle espagnol pendant très longtemps. C'est d'ailleurs un peu au travers des activités du cercle que je suis arrivé à la musique. Au tout début, mon père accompagnait une chorale avec une guitare, et peu à peu, il a monté son groupe. On faisait surtout de la variété espagnole à l'époque, avant de dériver vers la rumba flamenca, qui s'approche de ce que font les Gipsy Kings. Le groupe de mon père s'appelait Amistad, avec lequel nous avons beaucoup tourné dans la région pendant une quinzaine d'années.
Vous êtes aussi auteur-compositeur interprète…
Je ne m'en vante pas trop encore car je n'avance pas très vite. J'ai déjà composé un certain nombre de chansons et travaille actuellement sur un disque. Mais je ne suis pas encore prêt à franchir le pas et à présenter ce que j'écris. Je suis très exigeant.
Aujourd'hui, vous vivez complètement de la musique ?
J'étais auparavant technicien informatique au CHU et je suis passé musicien professionnel depuis deux ans. La musique commençait à prendre de plus en plus de place dans ma vie et il a fallu que je fasse un choix.
Comment en êtes-vous venu au flamenco ?
J'ai toujours baigné dans la musique et tout s'est fait naturellement. Je me suis d'abord intéressé à la salsa et, au fil des rencontres, j'ai fait la connaissance d'un guitariste de flamenco et cette musique m'a pris… Je suis parti vivre un an à Madrid, en 2005, pour y apprendre le flamenco dans une école assez réputée. A l'issue, je suis revenu ici, et j'ai commencé à travailler avec des danseuses, dont Isabel Pemartin.
(Photo : Studio Moustique, Plougastel-Daoulas)
Comment définir le flamenco en quelques mots ?
C'est compliqué à résumer en peu de mots tant cette musique est l'aboutissement de mélanges successifs. C'est une musique du voyage, transportée il y a très longtemps par les gitans jusqu'en Espagne, en particulier en Andalousie, où elle a continué à évoluer au fil des siècles, au contact d'autres cultures, arabe notamment. La façon de chanter le flamenco s'apparente en effet beaucoup au chant arabe. Mais on y décèle aussi les influences de la musique africaine, du jazz, etc.
Existe-t-il plusieurs styles au sein de cette grande famille du flamenco ?
Il existe en effet énormément de styles et rythmes différents. Nous en présentons d'ailleurs quelques-uns durant notre spectacle. Parmi les plus connus, on peut noter l'alegrias, le tango flamenco, le tientos, la solea… Quant à moi, je joue le côté le plus festif du flamenco, la partie la plus rythmée. Car il existe aussi le cante jondo, que je ne joue pas, qui n'est pas très marqué sur le plan rythmique et qui correspond au côté plus triste, au côté noir du flamenco.
Depuis quand évoluez-vous en trio ?
Je suis accompagné par le percussionniste David Rusaouen et le bassiste Julien Cuvellier, tandis que je me charge de la partie chant et guitare. Nous évoluons tous les trois depuis mon retour d'Espagne, en 2006. Avec David, on se connaît depuis longtemps car on jouait tous deux au sein du groupe de salsa, Mambo Step Orchestra.
Le spectacle que vous donnerez à Guilers a-t-il déjà été présenté ?
Non, ce sera la toute première fois que le trio accompagnera la danseuse Isabel Pemartin. Jusqu'ici, nous n'avions pas travaillé les danses avec les percussions et la basse. On y présente des danses traditionnelles et entre elles, on propose des morceaux un peu plus accessibles pour les gens d'ici, des morceaux entraînants, comme de la rumba flamenca. Le problème du flamenco traditionnel, ici en France, c'est que les gens ne sont pas habitués d'en écouter.
Depuis quand connaissez-vous Isabel Pemartin ?
Je l'ai rencontrée un peu par hasard, il y a trois ans, par l'entremise d'un guitariste de flamenco. Isabel est Nantaise. Elle a suivi une formation classique à l'opéra de Lille. Elle a travaillé huit ans avec la guitariste andalou Gorje Munioz. Peu après notre rencontre, nous avons décidé de monter un spectacle ensemble. Cela demande du temps, même simplement pour une danse. Pour vous donner une petite idée, quand des élèves suivent des cours de flamenco, dans la région, ils travaillent généralement une seule danse sur un an. La danse flamenca est très difficile, au niveau des pas et de la rigueur.
(Photo : Studio Moustique, Plougastel-Daoulas)
Côté guitare, ça ne doit pas être beaucoup plus facile, si ?
Non, en effet ! La guitare, comme le chant, nécessitent des années de pratique. Personnellement, j'ai mis plus de cinq ans à maîtriser l'alzapua, un mouvement, à la guitare, qui va de bas en haut avec le pouce. C'est un apprentissage très long.
Pour ceux qui participeront aux ateliers que vous animerez, dans la matinée du 16 février, à quoi peuvent-ils s'attendre ?
C'est forcément une approche assez légère, puisque nous n'avons que deux heures. Je leur explique en fait un ou deux rythmes de flamenco, un rythme à trois temps, comme la valse et un autre à quatre temps, comme le tango. Je leur montre comment ça fonctionne et je leur parle de la danse, aussi. Je leur montre les différentes parties d'un tango, par exemple. Quand j'arrive à expliquer une danse en deux heures, c'est déjà beaucoup.
Vous donnez beaucoup d'ateliers, comme ça ?
De plus en plus, en effet. Je donne aussi des ateliers de cajon, la percussion utilisée dans le flamenco. Elle est très en vogue auprès des jeunes. A l'origine, les pêcheurs péruviens tapaient sur leurs caisses de poisson au retour de leur pêche. Un guitariste de flamenco très connu, Paco de Lucia, en a fait un instrument de musique, qui est devenu la percussion principale du flamenco.
Le flamenco a le vent en poupe, dirait-on ?
C'est vrai qu'avant, on n'entendait guère parler que des Gipsy Kings et de leur rumba catalane et c'est l'image que les gens avaient du flamenco. Aujourd'hui, il y a de plus en plus de stages organisés autour de la découverte du flamenco.
Le fait d'avoir choisi cette voie, ça doit drôlement faire plaisir à votre famille, et notamment à votre père?
Ils étaient un peu inquiets, tout de même, quand je leur ai annoncé que je voulais vivre de la musique (rires). Mais aujourd'hui, je crois qu'ils sont assez fiers. Surtout que je suis issu d'une famille de musiciens et que je suis aujourd'hui le seul en France à vivre de la musique. Mon père est très attaché à son pays et il est très heureux que la musique m'ait encore plus rapproché de l'Espagne.
Propos recueillis par Titus le 6 février 2013.
Pratique
Samedi 16 février, à 20 h 30, à L'Agora, Guilers. Tarifs : 6 ou 12 €. Billets en vente dans les centres Leclerc ou à la mairie de Guilers. Tél. 02.98.07.61.52. Atelier de découverte de la guitare flamenca et cajon, de 10 h à 12 h. 12 places, 10 € par personne. Atelier de découverte de la danse flamenca, de 10 h à 12 h. 20 places, 10 € par personne.