Jeudi 7 février, Manuel Valls s'exprime devant Jean-Pierre Elkabbach.
En une douzaine de minutes, ces exercices d'interview politique expresse révèlent toutes leurs limites. La pensée se rétrécit à la courte phrase, l'interviewer, qui n'est souvent plus journaliste que de carte, s'exerce à faire sortir le mot qui fera buzzer son exercice chez ses confrères.
Triste conception d'un métier dont hier Albert Londres était l'icône.
Ce matin-là, Manuel Valls, notre ministre de l'intérieur a donc les honneurs d'une douzaine de minutes chez Europe 1, et une pleine couverture du quotidien Libération. L'été dernier, il était le symbole d'une trahison et l'icône d'une résurrection.
Six mois plus tard, face à Elkabbach, il résiste aux provocations. Car le journaliste n'eut rien de mieux à demander que de savoir si le ministre accorderait quelque soutien matériel au gouvernement tunisien pour rétablir l'ordre après les troubles qui suivirent l'assassinat d'un opposant. La ficelle était bien grosse. Le même Elkabbach l'amène sur l'islamisme, fameux sujet. Et l'intervieweur lui tend l'expression, « fascisme islamiste ».
1. Contre l'insécurité, Manuel Valls n'en fait pas trop, même pour ses critiques à gauche. Il aurait presque un bon bilan, même s'il est trop provisoire pour qu'on le juge ainsi de façon aussi définitive. La lutte contre l'insécurité n'est pas une question politique. Il faut du temps pour oublier et faire oublier le cirque sécuritaire servi par l'ancien monarque une décennie durant. «il est encore trop tôt pour le mesurer. Mais c’est possible. Nous
savons que la délinquance, par essence, évolue plus vite que les
politiques publiques» justifie l'actuel ministre.
Les Zones de Sécurité Prioritaires
créées l'été dernier semblent faire leur preuve. Il y en aura une
centaine à la fin de cette année. Elles concentrent une meilleure
coordination des forces de l'ordre et de justice dans certains coins
jugés prioritaires sur des sujets ciblés (par exemple le trafic . Dans
les quartiers dits sensibles, la « méthode ZSP » semble
s’imposer, expliquait Alice Géraud, pour Libération.
2. Contre l'insécurité, Valls défonce un à un les clichés que la droite sarkozyste aimait tant propager contre la gauche. Ainsi à Marseille, il inaugure un centre de videosurveillance. Le sujet est pourtant sensible. Quand ils tenaient les manettes du pays, les Sarko-boys adoraient expliquer combien la gauche était trop angélique pour accepter des caméras dans nos rues. La véritable question était celle des moyens. Sarko cachait qu'il réduisait les effectifs de police dans les quartiers populaires pour mieux promouvoir le fichage et le renseignement. On connait la suite, une DCRI désorganisée et des atteintes aux personnes en constante progression depuis 10 ans.
3. Sur l'immigration, Manuel Valls nous fait parfois horreur avec le peu de recul dont il a fait preuve lorsqu'il s'agissait de traiter des camps illicites de Roms. On regrette aussi l'absence de communication politique sur les quelques cas d'expulsions aux conditions douteuses que subirent des sans-papiers. La politique migratoire du gouvernement fait toujours autant débat à gauche. L'auteur de ses lignes accepte la promesse présidentielle - aucune régularisation générale. Il faut reconnaître
4. L'action de Manuel Valls ne peut être jugée sans la resituer dans l'action générale du gouvernement Ayrault. Pour le dire autrement, Valls n'est tolérable que parce qu'il a pour collègues Taubira et Peillon. La prévention n'est pas son métier. La justice et l'éducation ne sont pas de son ressort.
Jeudi 7 février, Manuel Valls fut contraint de commenter un autre moment de chauffe sociale. Il en appelle aux syndicats: « La colère des ouvriers doit être canalisée par les syndicats».
Et d'ajouter: « Il y a de la désespérance chez les ouvriers, chez les ouvrières, il y a
de la colère. (...) J'en appelle évidemment à la retenue, au dialogue
social, à la recherche de solutions.»
Le ministre ne croyait pas si bien dire.
Valls : "La colère des ouvriers doit être... par Europe1fr