Zachary Buzz se lance sur les traces d’Ebrahimi. Une traque sanglante dans les rues de Monplaisir, où le cynisme côtoie la cruauté, et où les plus vils aspects de l’être humain deviennent la norme. Et comme on est dans la capitale du plaisir, où tout est prétexte à jouer et se divertir, les paris sont lancés !
Scénario de Luc Brunschwig, dessin de Roberto Ricci Public conseillé : Adulte et Adolescent
Style : Polar / S.F. Paru chez Futuropolis, le 7 février 2013
De retour du Festival d’Angoulême 2013, je vous propose une forme différente de chroniques, plus courtes et enrichies par l’interview des auteurs.
Ce que j’en pense
Avec « Urban T2 (ceux qui vont mourir) », la S.F intelligente (et belle) revient pour vous en mettre plein la vue.
Dans ce second tome, Brunschwig et Ricci continuent leur exploration paranoïaque de notre monde futur. Précédemment, vous aviez découvert leur monde futuriste, glauque à souhait, ou tout n’est que travail et illusion. Notre « guide », Zachary buzz, provincial un peu benêt montait à « Monplaisir » pour y prendre son poste dans la milice. Car cette ville de plaisir sans limite, auquel chaque travailleur à droit à 2 semaines dans sa triste vie, n’est pas vraiment sécurisée. Voleurs et tueurs en série y rodent. Pire, « A.l.i.c.e », le système informatique qui gère ce lieu de débauche (la « Sin City ») met en scène dans un Show Télévisé bien « Trash », les arrestations musclées voire mortelles.
Pas de doute, Pour Brunschwig, « Big Brother » n’est pas loin. Avec cette anticipation, il nous assène ses peurs les plus terrifiantes. Monde déshumanisé, société consumériste, TV réalité omniprésente, « Monplaisir » est le pire de notre futur « possible ».
Avec ce second tome, Luc Bunschwig porte son regard sur un duo bien étrange : un petit garçon perdu et un vieux magicien miteux piégé par le système (Magic). Si le vieillard débute sa relation par pur intérêt, avec le temps, celle-ci se transforme en amitié. Peut-être, qu’après tout, pour Brunschwig et Ricci, l’espèce humaine n’est pas complètement pourrie…
Dans un autre registre, les choses changent pour Zachary. Manipulé par la TV-réalité qui le suit constamment, il endosse son costume d »Urban Interceptor » avec toute la morve qu’on attend de lui. Luc Brunchwig nous met en garde : les médias peuvent transformer un homme, ou du moins en modifier l’image.
De son côté, Roberto Ricci assure toujours autant le spectacle visuel. Travaillant la lumière et la matière, ses aquarelles sont sublimes. Il rend avec foule de détails l’ambiance sale et surpeuplée de Monplaisir. Son trait semi-réaliste rend à merveille tout les personnages de ce lieux immense. Premiers rôles ou personnages d’arrière-plan, c’est un vrai délice de contempler son talent immense qui se niche aussi bien dans les décors, les ambiances, que dans les micro-histoires. Ricci est de ces dessinateurs qui maîtrisent tout. A n’en pas douter, c’est un GRAND, dont les qualités approchent d’un Guarnido.
Pour finir, je voulais vous avertir. Ne croyez pas que Luc et Roberto sont en mode « routine ». Par deux fois le scénario et le graphisme vont vous étonner, voire vous choquer ! Toujours au service du récit, les deux compères vous réservent de sacrées surprises…
L’interview
Tapez ou collez votre texte en français ici et cliquez le bouton « Vérifier le texte ». « Urban » est un monde très sombre, déshumanisé, ou les gens passent leur temps dans un travail abrutissant. C’est une allégorie de notre époque ?
L. B. Oui, c’est clairement une allégorie des générations sacrifiées. On aborde l’idée de la génération sacrifiée absolue, celle qui sait qu’elle ne verra pas le fruit de son travail. Ils sont condamnés à une vie de labeur sans en profiter. Au-delà, leurs enfants non plus.
R. R. ça ressemble à la vie du dessinateur (rire)
La Trash TV est très présente. Même Zack compose un « personnage audiovisuel » qu’il n’est pas profondément…
L. B. Oui, tout à fait.
Vous avez l’impression que c’est en train de monter dans notre société ? Vous en avez peur ?
R. R. à la base, je ne regarde pas la TV, à part les séries TV que je choisis moi-même. On espère ne pas arriver à cela, mais on est sur la route.
L. B. C’est intéressant que tu parles de cette séquence avec Zack. On connait l’être humain et on voit comment la TV le transforme, ou donne une vision de lui différente. C’est ça qui m’inquiète. J’ai fortement ressenti cela en interview. En général, dans les médias qui retiennent trois phrases de ce que tu as dit, c’est souvent les trois phrases les plus connes, qui donnent une image de toi en décalage par rapport à ton envie d’amener du fond.
J’ai été élevé dans l’idée que la TV apportait une vérité. On ne pourrait plus mentir aux gens, car la TV serait là pour rétablir la vérité. Au final, on se rend compte que c’est la TV qui forge la vérité, ne serait-ce que dans le choix des informations mises en avant.
R. R. En tant qu’italien, je peux tranquillement parler de Berlusconi, qui possède toutes les Télévisions italiennes et qui s’en sert.
Toi-même, tu regardes la TV ? (Question à Ricci)
R. R. J’ai une TV pour regarder les DVDs, c’est tout.
Sur le second tome, Zack passe au second plan. Le récit est centré sur la relation en construction entre Magic et l’enfant. Tu mets en scène des gens qui se rachètent ?
L. B. Oui. et en même temps, ils sont dans une telle situation… L’envie d’exploiter le gamin, ce n’est pas par une nature fondamentalement mauvaise. Il essaie juste de rentrer chez lui, comme plein d’autres personnages. Il n’y a que Zack qui est parti de chez lui pour aller dans Monplaisir et qui n’y trouve pas son compte.
Pourquoi sont-ils piégés dans Monplaisir ?
L. B. Ils ont trop joué. Ils se sont sur_endettés. Par exemple, Ishrat, la fille de l’ascenseur doit racheter la dette familiale.
La scène du meurtre est particulièrement choquante. Pourquoi ?
L. B. C’est un monde hyper aseptisé et soudain, cette scène hyper crue te rappelles que tu es dans le réel. Plus de paillettes ! Plus de coup de gomme sur photoshop !
R. R. On a joué jusque là et à partir de là, c’est « Game over ». On a mis une séparation.
Vous n’avez pas de problème avec cette violence ?
R. R. J’aimais bien ce personnage. C’est un enfant…. Moi je travaille en studio avec d’autres dessinateur près de moi. Quand j’ai dessiné cette mort, tout le monde était triste. On en a beaucoup parlé avec notre éditeur. Il avait peur de cette planche…
L. B. I y avait la solution de le montrer de façon indirecte, mais on voulait plonger les gens dans un véritable état de choc !
C’est très rare de voir une telle séquence… pas du tout film américain.
R. R. Au début, je n’étais pas à l’aise avec ça. Mais, elle a un sens.
L. B. C’était une période où j’étais sans internet. J’ai découvert la planche chez une copine, j’étais blafards.
Dans Monplaisir, tous les personnages sont consumés. C’est un symbole ?
L. B. C’est le symbole radical du changement de vie, comme le Carnaval, le jour des fous. Là où ils vivent, ils sont rappelés tous les jours qu’ils sont ceci et pas cela.
R. R. Sur les costumes, Luc n’avait pas donné d’indications. Je m’amuse avec cela, mais on cherche des costumes que les lecteurs connaissent. Comme cela, ils ont un rapport avec « notre monde ».
L. B. C’est une façon de rattacher Urban à notre passé et donc de l’intégrer dans notre futur.
Vous n’avez pas de choix préalable ?
R. R. Comme je travaille dans un atelier, je demande aux autres leurs avis.
Il y a beaucoup de scènes de foule. Comment fais-tu pour « détacher » les personnages ?
R. R. Dans ces scènes, il y a beaucoup d’approximation, de croquis. Ils sont peu « figés ». Je veux qu’ils soient peu détaillés, pour que l’image reste « flou ».
Mais, ils ont tous une attitude précise.
R. R. Oui, je cherche une impression de « vraie vie ». Je crée des situations pour chacun d’entre eux, afin de raconter des micro-histoires. J’espère pousser encore plus cela sur les prochains tomes.
L’architecture est très variée. Tu fais des mélanges ?
R. R. à la base, sur le premier tome, c’est Chicago. Le gros bâtiment où vit Zack, c’est le « Board of trade » un peu modifié (j’ai ajouté la statue). Comme je n’avais pas de documentation, j’ai contacté le personnel du « Board of Trade », pour avoir un dossier photo. Les couloirs, l’ascenseur, ces lieux sont réels. Après, il y a des quartiers complètement différents. On peut voir aussi l’entrée du métro de Chicago, retravaillé avec des écrans…
Le mélange me rappelle « Blade Runner », « Le cinquième élément »…
R. Ce sont deux films qui m’ont marqué. Je sais que cela ressort un peu. Les taxis viennent sans doute du 5e élément (rire). Je ne regarde presque rien, de peur d’en « prendre » trop. La plupart du temps, j’ai une documentation photo réelle que je transforme.
Un grand merci à Evelyne et Elise des éditons Futuropolis et bien entendu à Luc Brunschwig et Roberto Ricci.