La reconstruction de l’évadé se fait dans le temps, l’espace et l’enchaînement des péripéties souvent burlesques. En cela, le personnage apparaît comme issu de la tradition du roman picaresque. Il y en avait des flopées de routes qui partaient fouiller par le monde des destins fugitifs. C’est l’instant le plus dur de choisir son chemin. Après, les tracas de la vie vous roulent au jour le jour comme les accidents du sol un ruisseau. Peu doué pour les actions héroïques, mais doté d’une sensibilité exacerbée, le narrateur utilise certains traits comiques qui rappellent les figures de Charlie Chaplin ou de Tex Avery.
Souvent confronté au stade le plus vil de l’humanité et à des situations parfois calamiteuses ou extrêmement périlleuses, René Brandoli n’a pourtant rien d’un James Bond, mais il s’en sort. Ainsi ce portrait indirect au moment de l’entrée en cellule : Rentre tes fesses ! Regarde-moi dans les yeux ! Là, les yeux. Non mais qui est-ce qui m’a foutu un engin pareil... C’est les yeux ou le corps que t’as de tordu ? L’écrivain manie avec talent l’autodérision, et cette évocation du « regard » de Brandoli renvoie aussi, pour ceux qui le connaissent, à l’un de ses complexes auxquels il fait souvent allusion dans le reste de son œuvre. Ce mélange d’autobiographie et de fiction ainsi que ce statut d’antihéros (hérité notamment du Voyage au bout de la nuit, livre culte de René Frégni) contribuent à faire de René Brandoli, au-delà de ses faiblesses et de ses lâchetés, un personnage attachant.