Terrier © La Boîte à bulles – 2004
Ce recueil est un récit autobiographique dans lequel Raphaël Terrier revient sur la relation qu’il a avec sa mère.
Enfant, il en était amoureux. Il l’a vu sombrer dans la dépression et il l’a vu revivre au travers d’une relation amoureuse avant de sombrer dans l’alcool… Son compagnon est parti, ses deux demi-frères aînés aussi. Raphaël est devenu l’aîné de la fratrie vivant sous le toît maternel, il était alors âgé d’une dizaine d’années : trop peu pour être autonome… trop grand pour ne plus voir qu’il était en danger avec cette femme.
Il a écrit ces pages en 2004, il avait alors 22 ans et n’avait pas revu sa mère depuis dix ans.
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Dès la première page du recueil, l’auteur se confie. J’imagine son besoin initial de sortir toute cette amertume qu’il a en lui. L’écriture devient ici un exutoire à une souffrance qu’il a longtemps ignorée. Elle lui permet de garder trace de son passé et de prendre du recul sur les événements. Raphaël Terrier ne revient pas sur les motivations intrinsèques de cette mère car là n’est pas sa démarche. Il ne souhaite pas comprendre (qu’y a-t-il à comprendre ? seule sa mère possède en elle les réponses) mais il espère apaiser un peu cette douleur qui le ronge.
Il met en scène le quotidien de son enfance, un petit huis-clos. Au cœur de cette cellule familiale, le couple qu’il forme avec sa mère. Autour de ce couple symboliquement incestueux gravite la figure paternelle du beau-père et ses demi-frères (deux adolescents et un nourrisson). Puis, l’auteur montre comment l’image idéalisée et aimante qu’il a de sa maman a évolué.
Le premier souvenir associé à sa mère remonte à ses 6 ans, elle avait alors fait une tentative de suicide médicamenteuse. Dès lors, cette femme nous apparaît comme un spectre, elle n’est que l’ombre d’elle-même durant tout le récit. L’auteur ne dessine jamais son visage à une exception près. Il s’arrête sur une période assez courte (6 années) mais ô combien importante dans sa vie. Il ne filtre rien et ne corrige aucune imperfection. Il reste fidèle à ses souvenirs, tels qu’ils lui reviennent en mémoire. Il recourt à de nombreuses ellipses, ne retient que l’essentiel et les événements qui ont été les plus marquants. Pourtant, en 64 pages, il nous donne une vision globale de la situation.
Raphaël Terrier livre ici un récit illustré poignant. Son trait est brut, comme jeté sur le papier. Son trait me fait fortement penser à celui de Ludovic Debeurme dans Lucille et Renée. D’une page à l’autre, les esquisses s’affranchissent complètement des cases. Le choix me semble judicieux, l’atmosphère de l’album semble retranscrire au plus juste la tension quotidienne à laquelle l’enfant était confronté.
Le dernier rempart qui la protégeait d’elle-même a lâché.
La présentation de l’éditeur aborde à juste titre les qualités intrinsèques de ce récit « sans faux-semblants, sans effets larmoyants, sans apitoiements ». Un très bel ouvrage intimiste que je vous invite à découvrir.
Les chroniques d’ActuaBD et de BDmédicales.
Extraits :
« Je ne savais pas alors que l’ombre de Johnnie [Walker] planait sur nous. Je ne savais pas qu’il allait changer nos vies. Je crois que ma mère est tombée amoureuse de lui. Mais Johnnie n’est pas le genre de mec à qui il faut s’attacher. Il peut se montrer violent voire destructeur » ((A)mère).
« Il lui suffisait d’absorber une petite quantité de cette boisson pour se transformer en quelqu’un d’autre » ((A)mère).
Du côté des challenges :
Petit Bac 2013 / Sentiment : amer (amertume)
Petit Bac 2013
(A)mère
One shot
Editeur : La Boîte à bulles
Collection : Contre-Cœur
Dessinateur / Scénariste : Raphaël TERRIER
Dépôt légal : septembre 2004
ISBN : 2-84953-013-1
Bulles bulles bulles…
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