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Le titre du livre de Jean Rolin est un clin d’œil à Marguerite Duras (Le ravissement de Lol V. Stein). Son argument est romanesque : un agent est envoyé à Los Angeles pour prévenir un éventuel enlèvement de Britney Spears. Mais, comme dans la plupart des autres ouvrages de l’auteur, dont beaucoup étaient des récits plutôt que des fictions, le narrateur officie à la première personne. Et il conjugue, ainsi que le fait Jean Rolin, une subtile nonchalance avec l’art de regarder dans les coins, là où l’œil n’est convié que s’il se méfie des images de façade. Sur Britney Spears, partons du principe que nous savons tout. Du moins, tout ce que la presse people, relayée par des journaux et des magazines moins présents dans les salons de coiffure, a voulu en dire et que nous serions bien en peine d’ignorer, quand bien même nous ferions mine de nous désintéresser complètement du sujet. Que celui qui n’a jamais entendu parler de Britney Spears sans culotte, ou de sa sex tape, ou du jour où elle s’est rasé les cheveux (dans un salon où peut-être des magazines la montraient en chemisier transparent) nous jette la première pierre, et la deuxième sur le narrateur du roman, et la troisième, tant qu’à faire, sur le romancier. Mais celui-là (un hypocrite, probablement), capable de balancer à la poubelle, avant de l’ouvrir, Le ravissement de Britney Spears qu’un ami mal intentionné viendrait de lui offrir, renoncerait sans le savoir au plaisir de se laisser aller dans une histoire floue, prétexte à une description entomologique d’un aspect de Los Angeles. Car Jean Rolin, certes plus enclin, comme son personnage, à se laisser conduire par les événements qu’à essayer de les maîtriser, possède une vertu cardinale qu’il prête à l’agent du roman : une patiente obstination qui finit par payer quand, par exemple, il veut entrer dans un lieu où il n’est pas censé se trouver, mais où il se dit que Britney Spears vient souvent. Cherchant la clé d’un univers clinquant dont il ne connaît pas les codes, ou pas plus que nous qui l’accompagnons dans sa mission, il tente de faire ami-ami avec un paparazzi qui, espère-t-il, maîtrise l’art de passer inaperçu aux endroits où sa profession requiert sa présence alors que personne n’y veut de lui. Mais toute l’entreprise est menée avec une maladresse d’amateur qui contraste avec le sérieux de ses supérieurs quand ils ont envoyé l’agent en protection discrète de Britney Spears. Et l’effet comique, bien que jamais appuyé, surgit comme une irrésistible lame de fond à laquelle il est difficile de résister. Au rendez-vous des « égéries les plus toxiques de Hollywood, telles Paris Hilton ou Lindsay Lohan », Britney Spears a sa place. C’est leur monde qu’explore un Jean Rolin, ou son personnage, étonné d’être là, étonné de s’étonner devant des comportements qui semblent banals quand l’excentricité est une manière d’exister à défaut de posséder un authentique talent. Qui se souvient du temps où Britney Spears chantait, ou plutôt enregistrait des disques ? Devenue le symbole d’une culture d’où la créativité est absente, elle est aussi celui de la décadence de la civilisation occidentale aux yeux de mouvements islamistes qui auraient beau jeu de la prendre pour cible. D’où l’argument romanesque d’un hypothétique enlèvement… Bien sûr, l’argument est ténu et disparaît souvent derrière la curiosité de l’auteur. A tel point qu’on se demande s’il a bien fait de se donner un double de fiction.