Notre aptitude à apprendre et à garder en mémoire de nouvelles choses dépend entièrement de la plasticité du cerveau - soit sa capacité à changer et à s'adapter selon les expériences et les environnements. Une nouvelle étude de l'Institut neurologique Montréal - le Neuro de l'Université McGill, révèle que DCC, le récepteur d'une protéine cruciale du système nerveux, la nétrine, joue un rôle clé dans la régulation de la plasticité des connexions entre les cellules nerveuses du cerveau.
L'absence de DCC cause le type de perte de mémoire qui touchait le célèbre patient HM de la professeure Brenda Milner. Si l'amnésie d'HM résultait de l'ablation d'une structure entière du cerveau, la présente étude montre que la suppression uniquement du DCC cause le même type de déficit de mémoire. Les résultats publiés dans l'édition de cette semaine de Cell Reports étendent la découverte révolutionnaire de la professeure Milner à un autre échelon, révélant un élément clé de la base moléculaire de l'apprentissage et de la mémoire.
Bien que la nétrine et le DCC soient essentiels au développement normal (en matière de guidage de la croissance des cellules nerveuses), jusqu'à présent leur fonction dans le cerveau adulte n'était pas connue. Le Pr Tim Kennedy, chercheur principal et neuroscientifique au Neuro, a contribué à la découverte des nétrines lors de ses études postdoctorales. La nouvelle étude répond à la question qui l'a poussé à un établir un laboratoire. « Je me souviens du moment exact où j'ai compris que je pouvais diriger un laboratoire de recherche, c'était en 1993, j'étudiais le système nerveux en développement et j'ai été étonné d'observer des nétrines dans le cerveau adulte - ce qui soulevait la question importante, "quel y est leur rôle?" » Après vingt ans de recherche spécifique, la réponse élucide un élément important de l'énigme de notre système nerveux et des affections neurologiques.
« L'intérêt de cette étude est qu'elle examine l'animal à tous les échelons, moléculaire, structural et comportemental. Nous savons que le récepteur de nétrine DCC est un élément crucial des synapses entre les neurones dans le cerveau adulte et est indispensable pour le bon fonctionnement des synapses. Afin de démontrer cela, nous avons supprimé sélectivement le DCC d'un sous-ensemble spécifique de neurones dans le cerveau adulte d'une souris. Cela se traduit par une dégénérescence progressive de synapses, menant à des dysfonctions dans la plasticité synaptique et la mémoire. Les synapses continuent de fonctionner, c'est-à-dire de communiquer, mais les synapses ne peuvent pas s'adapter ou changer en fonction de nouvelles expériences. Il devient donc impossible d'apprendre. »La suppression du DCC de neurones matures modifie la forme de protrusions spécialisées appelées épines dendritiques, ainsi que le récepteur NMDA, un déclencheur crucial de mécanismes qui apportent des changements à la force synaptique. L'étude révèle donc que le DCC est indispensable pour maintenir la morphologie ou forme adéquate des synapses et pour réguler la capacité du récepteur NMDA à s'activer, ce qui assure la plasticité synaptique dépendant de l'activité.
Cette étude jette une nouvelle lumière importante sur les mécanismes neuronaux de l'apprentissage et de la mémoire, des processus fondamentaux de notre existence, de notre survie et de la vie quotidienne.
Ces travaux ont été financés par les Instituts de recherche en santé du Canada. Le Pr Kennedy est chercheur national du Fonds de recherche du Québec - Santé et titulaire d'une bourse des Fiducies Killam.