FESTIVAL RVBN
QUAND LES ARTS NUMÉRIQUES SONNENT
Code-Act Cycloïd-e - copyright Xavier Voirol
De retour d'un tout nouveau festival dédié aux arts numériques à Bron, RVBn, festival d'ailleurs fort sympathique tant dans son accueil que dans ses propositions artistiques, je me posais la question de la place du son dans les arts numériques, voire des arts numériques dans la création sonore.
En effet, à y regarder de près, je n'ai trouvé que peu d'œuvres véritablement muettes, si ce n'est une Fab Lab.
La plupart, qu'elles soient spectacles ou installations, étaient soit accompagnées de sons, où produisaient leurs propres sonorités, leurs propres univers sonores ou musicaux.
Danse mêlées à des projections de paysages-pixels gérés en temps réel et accompagnés de sons hip-hop, bras Cycloïd dont les impressionnants déplacements et déploiements influaient sur la diffusion de sons projetés dans l'espace, système tentaculaire à partir de récupération d'objets bruitistes divers et variés construisant un grand "bending" lui aussi très "bavard", installation d'écoute paysagère, jeux vidéos et Wii adaptés à des créations sono-visuelles, arbres chantant lorsqu'on le touche, la fascinante apocalypse d'un monde de poussières tissée d'images et de sons macroscopiques, le son au travers de multiples propositions et dispositifs, était bel et bien un invité quasi incontournable.
D'où parfois la difficulté récurrente de savoir ce qui entre dans le champ des arts véritablement sonores, ou dans celui des arts plastiques, visuels, arts de la scène, et qui plus est des arts numériques.
A quel moment, et à quel degré d'importance, le son est-il rangé dans la catégorie des arts sonores, numériques, ou plastiques ?
Et d'ailleurs cela a t-il au final une réelle importance, si ce n'est parfois pour donner un titre une manifestation qui pourrait définir globalement les contours et les contenus de la manifestation.
D'ailleurs la culture et le parcours de chacun, artiste, programmateur ou visiteur, son affinité pour tel ou tel média, sa propre sensibilité lui donnant une dose d'incontournable subjectivité, parfois teintée de partis pris sur-affirmés, n'aident pas à trouver des réponses satisfaisantes.
Qui plus est aujourd'hui, où l'artiste utilise des pinceaux imprimant directement des traces sonores ou lumineuses, des formes en relief sur des murs, des écrans, des espaces matériel et virtuels, où la forme se déploie dans l'espace en même temps que des sons avec une vie relativement organique et autonome, où l'espace lui-même est de plus en plus utilisé dans toute ses dimensions, où l'image, le mouvement, la lumière et le bruit se génèrent en temps réel, et tout cela en fonction d'une série de paramètres utilisant divers calculs algorythmiques, processus aléatoires et autres savants dispositifs, où l'œuvre peut se développer de façon informelle, dans un parcours urbain via des dispositifs embarqués du type smartphone...
Le critique historien de l'art peut parfois y perdre son latin, bien que cette langue ne soit fort heureusement plus trop utilisée dans les média contemporains...
Il est parfois difficile, au-delà du sacro-saint multimédia, de savoir ce qui appartient à l'art du texte, de l'image, de la forme, du son, du mouvement, sans que le doute ne s'insinue de par la cohabitation entremêlée de différents média, matières, matériaux, processus...
Le son est parfois développé, voire généré à partir d'images, de formes, de mouvements, et vice et versa.
Les formations dispensées par les écoles d'arts s'appuient souvent sur l'approche de dispositifs génératifs, modulaires, adaptables à de nombreux espaces, capables de piloter et/ou de générer plusieurs formes de média. Certes, certains ont une oreille plus encline à contribuer au développement de projets artistiques, alors que pour d'autres ce sera l'œil, la main, le corps, ce qui somme toute, à défaut de catégoriser clairement une création, conservera des savoir faire et des sensibilités d'artistes qui s'associeront alors pour créer des œuvres polymorphes.
Le musicien est de moins en moins artiste solitaire devant sa feuille de papier à portées, dans sa tour dorée, son studio calfeutré à l'abri des sons extérieurs, pas plus d'ailleurs que ne l'est le peintre ou le sculpteur dans leurs ateliers, l'écrivain dans son bureau...
L'œuvre est de plus en plus collaborative, convoquant savoirs techniques, maîtrise technologique, écriture de programmes informatiques, et éventuellement une bonne oreille pour agencer des sons, un œil aguerri aux compositions colorées, une main habile pour faire naître des formes, un corps pour habiter et créer de l'espace sensible... et peut-être surtout une sensibilité associée à un discours susceptible de toucher, voire d'émouvoir le visiteur, spectateur, auditeur. La froideur de certaines créations, au design minimaliste, hi-tech épuré, mêlés à une série de réflexes pavloviens - bouger les bras devant un mur pour déclencher, ou non, des événements, a parfois rebuter plus d'un visiteur de bonne volonté, devant la difficulté à pénétrer l'œuvre, ou en tout cas à ressentir le plus petit frémissement émotionnel
Pour en revenir au son, il reste, et restera, je pense encore longtemps bien présent dans la création contemporaine, dans le champ du numérique ou ailleurs, même si ses rapports avec les autres média ne sont plus si clairs, qu'ils ne l'ont pas été dans les temps passés, problème qui se posent d'ailleurs avec l'image, la forme, le mouvement...
Pour autant, les appellations par trop globalisantes d'arts multimédia ou médiatiques ne me semblent pas, dans leur large et englobante froideur sémantique, suffisantes à qualifier convenablement des champs artistiques de plus en plus technologiquement rizomatiques. Affaire à suivre...