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L'émission de France Culture Esprit Libre de Philippe Meyer était toute entière consacrée dimanche dernier au couple franco-allemand. Que vient faire cette aspect de la construction européenne ici me demanderez vous?
C'est une remarque de l'historien Max Gallo qui a retenu mon attention à propos des différentes méthodes scolaires de chacun des deux pays. En gros, il constatait qu'un étudiant français en échange était confronté à d'autres étudiants globalement plus vieux et moins cultivés que lui, pour reprendre ses termes reprenant un étudiant "ils ne savent même pas faire une explication de texte".
Certes l'exemple retenu concernait le cas d'un étudiant passé par les classes préparatoires, mais, étant moi-même dans ce cas de figure, je ne peux que confirmer un sentiment assez bizarre face aux autres étudiants de premier cycle et ce en Amérique du Nord, pourtant réputée pour son excellence dans l'éducation supérieure.
Ce serait oublié que l'excellence commencerait plutôt à partir du deuxième cycle, le premier - l'équivalent de notre licence qui s'appelle ici au Québec le baccalauréat - étant vu dans le monde anglo-saxon comme le moment d'une remise à niveau et d'une préparation aux méthodes de recherche pour affronter, pour ceux qui le souhaitent, un deuxième puis un troisième cycle de façon sereine. Un de mes amis ayant passé un an au Trinity College de Dublin m'a confié que les premières années d'Université sont pour les jeunes l'occasion de vivre une première année loin de la maison et des parents, donc de faire la fête autant qu'il est possible de la faire.
Si je ne conteste en rien le niveau d'exigence du deuxième cycle, j'ai également, en tant qu'étudiant étranger en échange, l'honneur de suivre également des cours du premier (pour l'anecdote sur l'histoire de la littérature française et sur la littérature acadienne à cette session d'hiver) en plus des séminaires de recherche. Et que constate-t-on après trois ans passés en classes préparatoires? Une différence de niveau qui s'ajoute à une différence d'âge.
D'accord les étudiants ne peuvent rien à la différence d'âge, le système scolaire québécois étant fait de telle manière que l'entrée à l'université se fait à 21 ans, quand en France elle a lieu à 18 ans. Conséquence logique, encore qu'elle n'est pas forcément logique, les cours sont des cours de découvertes et d'introduction à l'Université! Certes les méthodes n'ont rien à envier à celles, magistrales quelques fois au mauvais sens du terme, de France, mais il faut reconnaître que la qualité et le fond font un peu défaut, surtout quand vient l'épreuve des exposés. C'est alors qu'on ressent tout le bénéfice des soirées perdues en hypokhâgne et khâgne à passer des colles en face à face avec un professeur: vos propos sont naturellement structurés, ou tendent à l'être pour une clarté plus grande, vous avez déjà vécu des épisodes plus ou moins humiliant, ce qui permet de relativiser celle que vous allez maintenant affronter ("ce n'est pas la fin du monde si vous n'y arrivez pas" est la grande morale de l'histoire) et on s'égare moins dans des détails et impressions personnelles qui ne valent pas kopec.
Alors oui, le système scolaire à la française avec un professeur tout puissant privilégiant l'aspect magistral n'est pas parfait mais il donne des bases solides capables de s'adapter à n'importe quelle situation et n'importe quelle question, même les plus tordues (difficile de faire pire, me direz-vous, qu'une question à la suite d'une colle de géographie sur la Mer Baltique). Certes ce genre de système est exigeant pour les individus mais il est formateur et permet d'essayer de se dépasser (la méritocratie à la française...) pour affronter sereinement un deuxième cycle.