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Nous l’avons tous compris (et bien senti), c’est l’hiver. Il fait froid, notre bonnet peut être considéré comme un prolongement de notre corps, une écharpe nous mange le visage, et les gants vissés sur nos mains empêchent toute utilisation de nos doigts. C’est un fait avéré, cette saison est le temps de l’hibernation, ou tout du moins, de la flemme viscérale de sortir de chez soi. Oserais-je prendre cet argument vieux comme le monde, et fort peu original, pour vous conseiller de rester chez vous, emmitouflé dans votre couette, afin de découvrir la sélection de livres préparée spécialement pour vous ? Sans scrupules, je réponds oui.
Attention messieurs, les romans qui suivent peuvent être stigmatisés comme des livres de « gonzesses/nanas/meufs/tout autre synonyme désignant une personne qui aime les romans d’amour avec de beaux jeunes hommes ténébreux ». Et bien détrompez-vous, et laisser vous tenter par la galanterie romanesque de héros pas si héroïques.
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« Un jour » - David Nicholls (2009)
« VENDREDI 15 JUILLET 1988
« Je crois que… ce qui compte c’est de faire bouger les choses, dit-elle. D’arriver à les changer.
- Comment ça ? Changer le monde tu veux dire ?
-Pas le monde tout entier, mais celui qui t’entoure… Si tu pouvais y changer quelque chose, ça serait déjà pas mal non ? »
Le jour allait bientôt se lever. Allongés l’un contre l’autre dans le petit lit, ils marquèrent un silence, puis se mirent à rire d’une voix rauque, cassée par leur longue nuit blanche.
« J’y crois pas, gémit-elle. Comment ai-je pu dire un truc pareil ? C’est ringard non ?
-Un peu. » »
Pour notre plus grand bonheur, Un jour n’est pas une énième histoire d’amour entre le beau mâle séduisant et séducteur, et la charmante jeune femme sans aucune confiance en elle. Un jour, c’est une histoire d’amitié improbable, sous le joug de passions, de regrets, et de vies qui sombrent dans le chaos et la désillusion. Une relation atypique et ambigüe, qui se lit au rythme d’un rendez-vous annuel prenant date le 15 juillet. Un roman qui tient en haleine du début à la fin, et une adaptation en film tout aussi sympathique. Laissez-vous surprendre.
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« Le liseur » – Bernhard Schlink (1995)
« Plus d’une fois au cours de ma vie, j’ai fait ce que je n’avais pas décidé, et ce que j’avais décidé, je ne l’ai pas fait. C’est un je-ne-sais-quoi qui agit ; qui part rejoindre une femme que je ne veux plus voir ; qui fait à un supérieur la remarque qui va me coûter ma carrière ; qui continue à fumer bien que j’aie décidé d’arrêter, et qui cesse de fumer quand j’ai admis que je suis et resterai fumeur. Je ne veux pas dire que pensée et décision sont sans influence sur les actes. Mais les
actes n’exécutent pas simplement ce qui a été préalablement pensé et décidé. »
On retrouve ici une Allemagne à l’aube de la seconde guerre mondiale. Tout commence par une relation interdite et secrète, entre un jeune lycéen et une femme de 20 ans son aînée. Cette idylle singulière ne dure qu’un temps, mais les deux amants se retrouvent des années plus tard, dans des circonstances bien différentes. Un livre saisissant, qui nous laisse aux prises du doute et des interrogations que Bernhard Schlink fait transparaître à travers son personnage principal. Plus qu’une histoire d’amour, c’est une véritable remise en question face à cette période marquante de l’histoire.
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.« Cinquante nuances de Grey » – E. L. James (2012)
« Ses yeux brillent, et son excitation est palpable, même à distance.
Bordel de merde.
- Bref, tu n’as pas le choix, conclut-il, sardonique.
- Manifestement.
Je ne peux pas m’empêcher de lever les yeux au ciel.
- Anastasia Steele, tu viens de faire quoi, là ?
Merde – Rien.
- Qu’est-ce que je t’ai promis, si tu levais les yeux au ciel quand je te parle ?
Merde, merde, merde ! Il s’assoit sur le bord du lit.
- Viens là, dit-il doucement.
Je blêmis. Hou là… Il parle sérieusement. Je suis tétanisée. »
Âme perdue à la recherche d’une histoire d’amour puissante et dévastatrice, vous voilà comblée. Tous les clichés les plus kitsch sont réunis : Sombre et mystérieux jeune homme, jeune femme belle et innocente, tout deux embarqués dans une relation des plus passionnées. Déjà vu me direz-vous, certes, mais ce roman, le plus vendu en 2012, cache bien des surprises. Jonché de descriptions (un peu !) crues, il a l’originalité de dépeindre cette aventure charnelle dans ses moindre détails. Allègrement critiqué par la presse, on remarque à sa lecture un style qui n’est effectivement pas du Zola ni même du Levy, mais les quelques longueurs et répétitions sont malgré tout bien compensées par une écriture fluide et légère. Ainsi, pour les conquis qu’un tome ne saurait rassasier, l’auteure a eu la merveilleuse idée d’en faire une trilogie. Nuits blanches garanties!
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