De l'effroyable débat sur le mariage pour tous à l'échec du sommet européen de Bruxelles, la démocratie fait triste mine.
Le ridicule gaulois
Cent heures déjà de prétendu débat sur le mariage pour tous. L'UMP opposante au mariage civil homosexuel avait lâché 5.300 amendements. Leur défense fut grotesque. Certains réclamaient encore un référendum. Le spectacle de ces interminables séances diurnes puis nocturnes pour « débattre » des propositions UMPistes les plus dégradantes est humiliant. Il abîme notre conception de la démocratie, et l'image du pays. Quelques UMPistes l'ont réalisé, regrettant que les échanges soient filmés ou tweetés.
Ces affronts à la démocratie parlementaire ont toutefois consacré Christiane Taubira. La Garde des Sceaux confirme qu'elle est une figure qui compte. Une immense culture, un sens de l'histoire, des principes républicains intangibles. C'est une heureuse révélation. La ministre est restée là, dans l'hémicycle, nuit et jour, pour cueillir ces effroyables réactionnaires UMPistes un à un. Elle ne fait qu'une bouchée verbale de David Douillet.
Mediapart n'est pas content. Jérôme Cahuzac fait savoir qu'une note
de la banque UBS l'innocentait sur un point: il n'aurait pas clôturé de
compte en Suisse en février 2010. Le journaliste Fabrice Arfi s'agace.
Manuel Valls s'inquiète des dérapages de la colère sociale. Jean-Pierre
Elkabach, d'Europe1, cherche la petite phrase quand il l'interviewe -
horrible franglais - jeudi matin. L'édition matinale de Libération
dresse le bilan du ministre. Il expulse plus et mieux - formidable ou
infâme ? A Strasbourg, des ouvriers d'ArcelorMittal sont fouillés avant
leur arrivée au Parlement européen. Grenades lacrymogènes contre
boulons, où est le dialogue sociale ? Il n'y a que la rage. Valls a
raison d'être inquiet.
Laurence Parisot récuse
l'adoption législative de certaines dispositions de l'accord sur la
flexibilité de l'emploi signée avec la CFDT en janvier dernier. La dame
patronne a levé le voile sur ses intentions. Le texte arrive sous forme
de loi au Parlement, quand l'UMP aura cesser de jouer l'obstruction sur
le mariage pour tous. En fait, la patronne du Medef fait savoir jeudi 7
février qu'elle se refuse à ce que les députés touchent à une quelconque
ligne de cet accord. Elle ne veut pas non plus
que la loi intègre la généralisation des mutuelles complémentaires
santé, la création des droits rechargeables d'indemnisation chômage. La
belle arnaque ! Le Medef a révélé la chose, il attendait des « études d'impact ». Pauvre dame...
L'automobile
française n'a pas fini son effondrement. PSA a annoncé quatre milliards
de dépréciation d'actifs en 2012, une perte historique. Quelques
ministres et conseillers réfléchissent à une entrée de l'Etat au
capital. L'ex-strausskahnien Pierre Moscovici n'a pas envie, même via le
FSI. «Une entrée de l'Etat au capital n'est pas envisagée, n'est pas nécessaire et n'ajouterait rien ».
Il y en a qui travaillent. Heureusement. La députée Karine Berger poursuit les auditions sur cette loi bancaire qui heurte.
L'auteur de ses lignes n'a jamais souhaité le découpage des banques.
Pour l'heure, l'Assemblée n'a pas entamé ces débats. Quelques députés
travaillent lourdement en coulisses. Et l'on découvrent l'imprudence des
banquiers auditionnés, trop heureux de cette réforme.
Raccourcis maliens
Avant ce sommet européen, on s'intéresse au mali. Certains médias- pas tous - adorent les conflits "live". Le suspense est toujours là. Au Mali, certains journalistes jouent donc à la guerre. Le contrôle
médiatique est total. Nous aurons les images d'un général faisant des
pompes sur sa jeep, des témoignages d'habitants de Gao effrayés après un
attentat suicide, le premier, jeudi 7 février. Nous avons les commentaires enthousiastes de sérieux des spécialistes en tous genres sur la progression militaire des forces franco-africaines. Lundi,
Hollande reçoit le vice-président Joe Biden, le soutien à l'opération
française est total. Le ministre de la défense espère un retrait en mars
prochain.
Au Mali, certains couinent encore contre
l'intervention. Jolies âmes... On aimerait qu'elles aillent donc sur
place, visiter en touristes ces jolis coins où l'on vous coupe une main
pour une affaire de charia.
Plus intéressant était l'avis critique de Serge Halimi dans le Monde Diplomatique de février. Il dénonce "le mauvais choix", la peste ou le choléra: "C'est
quand il est trop tard, parce qu'on a tourné le dos à toutes les
meilleures options, qu'on nous somme de choisir entre le mauvais et le
pire." L'auteur de ce blog soutient l'intervention française
depuis la première minute. Cette guerre a été brillamment mené jusqu'à lors. Mais force est de constater qu'ici au Mali
comme ailleurs en Libye, les raccourcis sémantiques sont trop nombreux.
Dans le même Monde Diplomatique, un chercheur
explique comment le trafic de drogue, qui implique l'ancien régime, le
nouveau et la filiale locale d'Al Qaïda, a détruit les fondements politiques du pays. Le Mali est notre Colombie. Le putsch de
janvier 2012 n'était que cela, une révolte de militaires exaspérés par la corruption de leurs hiérarques et de la présidence. Pourrait-on nous expliquer pour
les médias sont si rares à mentionner l'affaire ? La Fabrique de
l'Opinion est exaspérante de prévisibilité.
François Hollande est ailleurs. Il revient du Mali, une visite surprise.
A Strasbourg, il s'explique devant les députés européens. C'est
heureux. Il a presque des accents trop gauchistes. Le voici qui doute de
l'austérité, condamne l'euro fort. Il est constant en réclamant des
euro-bonds. Mais le drame intervient plus tard, à Bruxelles.
Echec européen
Vendredi 8 février, les chefs d'Etat de l'UE adoptent un budget pluriannuel 2014-2020 pour la première fois ... en baisse (de 3%). La Politique Agricole Commune est toutefois prorogée. La FNSEA sera heureuse de ces euros européens. Les gros céréaliers européens ont touché 15 milliards d'aide au revenu l'an dernier, alors que leurs marges étaient portées par l'inflation des matières premières ! Pour le reste, tout le monde peut grimacer. L'aide alimentaire, en particulier, baissera de 500 à 300 millions d'euros annuels.
Quand il sort, vendredi en fin de journée, expliquer l'accord aux journalistes présents, François Hollande ne cache aucune ironie. Il qualifie l'accord de « bon compromis dans les conditions que l'on sait, et dans les circonstances que l'on connaît. » Il tente de se satisfaire de la progression de certains crédits, comme sur les transports. Ou du niveau global des dépenses prévues - 908 milliards d'euros.
C'est pourtant la fin de l'illusion européenne pour François Hollande, un revers évident. Les collègues du président français ne sont pas alignés sur autre chose que la rigueur. Le pacte de croissance à 120 milliards d'euros de l'été dernier est donc enterré. Or, comme le rappelle Hervé Nathan, la rigueur française se justifiait si l'Europe s'accordait sur une relance. Cette dernière option, soutenue par l'Italie, l'Espagne ou la France, a été dégommée par le couple Cameron/Merkel.
Quelques députés européens préviennent. « Nous aurons le dernier mot » (Marielle de Sarnez). Même le MJS affiche son opposition. Faudra-t-il se barrer de l'Europe ?
Il faut se préparer au « système démerde », comme disait la Pecnaude.
A suivre...