L'accord sur le budget européen pèsera sur la croissance potentielle !

Publié le 09 février 2013 par Raphael57

Un compromis a été arraché vendredi 8 février sur le montant du budget européen pour la période 2014-2020. Et s'il est historique, c'est malheureusement parce qu'il consacre le recul de la construction européenne : 960 milliards d'euros sur la période 2014-2020 de crédits d'engagement, contre 908,4 milliards d'euros de crédits de paiements. Bref, un recul de l'enveloppe globale qui satisfait ceux qui veulent torpiller le projet européen tout le monde, et en particulier le premier ministre britannique David Cameron, puisque présenté ainsi le budget européen perpétue la distinction purement politique entre dépenses promises et dépenses décaissées.

Mais avec un budget européen équivalent à seulement 1 % du PIB de l'Union, comment espérer relancer le projet européen ou tout simplement le faire survivre ? C'est donc avec clairvoyance que les principaux groupes politiques du Parlement européen ont fait part de leur refus de voter ce budget en l'état. D'autant qu'un tel budget compromettrait inévitablement le niveau de la croissance potentielle de l'Union européenne et en particulier de la zone euro.

Qu'est-ce que la croissance potentielle ?

Dans L’économie du XXe siècle (1961), l’économiste français François Perroux a proposé la définition suivante de la croissance : "augmentation soutenue pendant une ou plusieurs périodes longues, chacune de ces périodes comprenant plusieurs cycles quasi décennaux, d’un indicateur de dimension, pour une nation, le produit global net en termes réels". L'indicateur retenu est en général le PIB en volume.

La croissance potentielle, quant à elle, peut être définie comme celle réalisant le niveau maximal de production sans accélération de l'inflation, compte tenu des capacités de production et de la main d'oeuvre disponibles.

Quels sont les facteurs qui influent sur la croissance potentielle ?

Parmi les facteurs qui influent par définition la croissance potentielle, on trouve :

 * les gains de productivité : ils correspondent à une augmentation de la productivité.

 * l'innovation : on la mesure souvent par les dépenses de R&D et le nombre de brevets triadiques (brevets déposés à l'Office européen des brevets, à l'USPTO américain, et au Japan Patent Office).

 * les prix de l'énergie et des matières premières

 * l'investissement 

 * le niveau de formation de la population active : on peut par exemple l'appréhender par la part de la population active titulaire d'un diplôme de l'enseignement supérieur, par les dépenses d'éducation supérieure par étudiant,...

 * la démographie : les interactions sont fortes entre les phénomènes démographiques et économiques. Par exemple, l'évolution de la pyramide des âges a une influence sur le financement de la protection sociale, comme le montre la question de la dépendance (ou de la retraite).

 * la productivité globale des facteurs de production : c'est le rapport entre le volume de la production et l'ensemble des facteurs de production utilisés. Dit autrement, c'est l'augmentation de la production qui ne peut pas s'expliquer par l'augmentation des deux facteurs de production (capital et travail). Elle reflète donc d'une part le progrès technique, technologique, et d'autre part l'amélioration de ce que les économistes appellent de manière bien malheureuse le capital humain (éducation, expérience des salariés).

Croissance potentielle aux États-Unis et dans la zone euro

Reprenons ces différents facteurs pour les États-Unis et la zone euro :


  * les gains de productivité : avantage très net des États-Unis sur la zone euro

 * l'innovation : dépenses de R&D de 2,8 % du PIB aux États-Unis contre seulement 2,08 % dans la zone euro. Nombre de brevets triadiques par millions d'habitants supérieur aux États-Unis.

 * les prix de l'énergie et des matières premières : la baisse du prix de l’énergie résultant de la production de gaz (et de pétrole) de schiste donne aux États-Unis un avantage compétitif sur la zone euro. Voir à ce sujet mon billet.

 * l'investissement : reprise de l'investissement aux États-Unis, chute dans la zone euro

 * le niveau de formation de la population active : l'enquête Regards sur l’éducation de l'OCDE, qui présente des indicateurs comparables sur les résultats des systèmes éducatifs des pays membres, montre que l'effort de la zone euro en matière d'éducation et de formation est plus faible qu'aux États-Unis.

 * la démographie : on s'attend à une baisse de la population en âge de travailler au sein de la zone euro, contrairement aux États-Unis.

 * la productivité globale des facteurs de production : elle est bien plus élevée aux États-Unis que dans la zone euro.

A partir de ces facteurs, on peut estimer la croissance potentielle à 20 ans à environ 2,5 % par an aux États-Unis et 0,3 % par an dans la zone euro. Ainsi, si les dirigeants politiques continuent à amputer les budgets nationaux et le budget européen, nous finirons par plonger toute la zone euro dans une dépression dont il sera difficile de sortir !